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 d’ADHEOS

Quentin a été victime d’une violente agression dimanche 7 avril, alors qu’il rentrait de soirée avec un ami dans le centre de Lyon. Il témoigne.

Quentin peine encore à trouver les mots, tant le choc a été brutal. Dimanche 7 avril, vers 4h30, il rentre de soirée sur les quais de Saône avec un ami lorsqu’il est violemment attaqué et roué de coupLe jeune homme l’affirme, l’acte est homophobe et prémédité. Témoignage.

Quentin peine encore à trouver les mots, tant le choc a été brutal. Dimanche 7 avril, vers 4h30, il rentre de soirée sur les quais de Saône avec un ami lorsqu’il est violemment attaqué et roué de coupLe jeune homme l’affirme, l’acte est homophobe et prémédité. Témoignage.

Quels sont vos souvenirs de l’agression ?

Je sortais du Sonic, une péniche bar LGBTQ avec Valentin, rencontré dans la soirée. Le long du chemin, on s’embrassait. D’un coup, un homme a surgi d’un recoin d’où il semblait comme caché, dans le noir. Valentin a crié “court, court !“, mais tout s’est passé en une fraction de seconde, je ne l’avais même pas vu venir. L’agresseur nous a sauté dessus, il nous défonçait le crâne et le visage. Il frappait seulement nos têtes, et aussi à l’aide d’un sac dans lequel il y avait des objets lourds. Il faisait le ping-pong entre-nous : il en frappait un, puis revenait vers l’autre. C’était terrifiant, il avait un sang-froid terrible, cognant de toutes ses forces.

J’ai perdu connaissance. À partir du moment où j’ai reçu le premier coup, je ne me souviens plus de rien, j’ai seulement des flash-back. Mais quelque part, je préfère ça, car Valentin se souvient de tout et c’est traumatisant. Je pense même que l’agresseur avait l’intention de tuer, il a arrêté de taper seulement quand je ne bougeais plus. Vu comment il frappait, ce n’est sans doute pas la première, ni la dernière fois qu’il agresse des personnes en raison de leur orientation sexuelle. Il n’y a rien à part ce bar dans le coin, c’est comme s’il voulait tendre un guet-apens aux personnes LGBTQ sortant de la soirée, ça semble clairement prémédité. D’ailleurs, il a volé mon téléphone mais pas celui de Valentin. Le motif de l’agression n’était pas le vol, sinon il nous aurait menacés, ou nous aurait frappés le ventre par exemple.

Que s’est-il passé ensuite ?

Lorsque je suis revenu à moi, j’ai eu des réflexes de survie, je n’arrivais pas à conscientiser que j’avais été agressé. Je voyais du sang sur mes mains et mes vêtements mais je pensais que c’était celui de Valentin. Il était allongé, le crâne défoncé. C’est là que j’ai vu que je n’avais plus mon téléphone. J’ai pris le sien et j’ai appelé les pompiers, qui l’ont immédiatement pris en charge. Moi je suis resté sur place, j’étais dans un état second. J’ai croisé des amis Drag-Queen et King qui sortaient de la soirée du Sonic. Elles m’ont fait comprendre que j’étais blessé, et que le sang que j’avais partout sur moi était le mien et m’ont aidé à rentrer chez moi.

J’étais totalement sous le choc, je me suis couché comme si de rien n’était, sans vraiment réaliser ce que je venais de subir. Deux heures plus tard, j’ai été réveillé par des douleurs atroces au crâne, comme si on me tapait sur la tête. En touchant, j’ai senti de grosses plaies. Des amis sont venus et m’ont emmené aux urgences de l’hôpital Saint Joseph Saint Luc. Pendant l’examen, j’ai perdu connaissance car je décompensais, j’avais des flash-back. Je me suis ensuite réveillé sur un lit d’hôpital, entouré de machines.

Comment s’est passé le dépôt de la plainte ?

En sortant de l’hôpital, je suis allé porter plainte. Au début, je n’ai pas parlé du fait qu’on venait de s’embrasser avec Valentin et qu’on sortait d’une soirée LGBTQ car je ne me sentais pas de mentionner cela. Je pense que je n’ai pas évoqué directement le caractère homophobe car je n’arrivais pas à me voir comme une victime de cela, ça n’était pas possible de vivre ça. Si les policiers étaient formés, ils m’auraient peut-être demandé si je faisais partie de la communauté LGBTQ, ou encore on se montrait des gestes d’affection avec Valentin. Au lieu de cela, les questions tournaient plutôt autour de comment on était habillé ou de notre degré éventuel d’alcoolémie.

La police n’est pas assez sensibilisée, mais elle fait comme elle peut. Comment voulez-vous être entendu lorsque les enjeux de la communauté et son langage ne sont pas connus ? Ce n’est pas la faute des policiers, qui ont été très courtois, mais il s’agit d’un manque de formation, et surtout de moyens. Ils n’ont pas les moyens de nous défendre, mais nous n’avons pas les moyens de nous défendre non plus. Rien n’a été noté sur la plainte de Valentin concernant le caractère homophobe, alors qu’il a raconté dans les détails ce qu’il s’était passé. On avait la géolocalisation de mon téléphone, on avait un portrait de l’agresseur mais rien n’a été fait.

Je suis allé déposer ce vendredi un complément de plainte pour raconter dans les détails le contexte de l’agression. J’ai relu la plainte pour m’assurer que tout soit correct.

Pourquoi était-ce important pour vous de témoigner sur les réseaux sociaux ?

Après son dépôt de plainte mardi, Valentin m’a dit : “laisse tomber, ils ne pourront pas l’identifier et les policiers n’ont pas noté “homophobe et prémédité”. Il m’a dit qu’il n’y aurait pas de suite et qu’on allait devoir apprendre à vivre avec et se reconstruire sans la justice. Mais ce fatalisme, je ne peux pas l’entendre. C’est pour ça que j’ai décidé de publier la photo de mon visage tuméfié sur les réseaux sociaux. Je voulais raconter cette histoire, témoigner. Pour dire que oui, il faut se battre. Pour donner de la force et dire que ce n’est pas moi qui dois avoir honte. Mais je comprends que certains n’aient pas la force, car ce sont des montagnes à franchir pour être entendu et être reconnu victime d’homophobie. J’ai la chance d’être très bien entourée par ma famille, mes amis, et la communauté LGBTQ.

Mon histoire a été considérée car elle a été médiatisée, mais je suis le 1%. J’ai reçu des centaines de messages de personnes qui m’ont dit avoir vécu une agression homophobe, certains m’ont même dit s’être fait agresser 12 fois ! J’en pleure de rage. On n’a pas à se faire casser la gueule, ça ne devrait même pas être une question, on devrait pouvoir avoir le droit de marcher dans les rues et de s’embrasser librement, de sortir en boîte et de s’habiller comme on le souhaite sans craindre pour nos vies. J’accable le système, le manque de moyen.

Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

Ce vendredi, c’est la première fois depuis l’agression que j’arrive à sortir seul dans la rue. Mais j’ai peur des recoins où quelqu’un pourrait se cacher, j’évite les angles. Je suis suivi par une psychologue, je subis un intense stress post-traumatique, c’est très difficile. Ce sont les montagnes russes. J’avance comme je peux. Le soutien que j’ai reçu, de la part d’anonymes comme de personnalités connues, sur les réseaux sociaux m’a beaucoup aidé. J’ai été aussi très entouré par des associations LGBTQ, notamment Stop Homophobie qui m’a transmis des ressources essentielles. J’espère et je nourris l’espoir d’obtenir désormais justice.

Source : france3-regions.francetvinfo.fr