M. François HOLLANDE
Président de la République
cabinet
Palais de l’Elysée
55 rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 PARIS
PJ : lettre du 5 juillet 2013 au Défenseur Des Droits
Monsieur le Président de la République,
Nous nous permettons de vous écrire pour attirer votre attention sur les difficultés soulevées par l’application de la circulaire du ministère de la justice en date du 29 mai 2013, traitant de la présentation de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe.
Le problème se pose pour deux personnes de même sexe dont l’une est française et l’autre de nationalité étrangère, désirant se marier.
En principe, l’article 202-1 alinéa 2 l’autorise (« Toutefois, deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit la loi personnelle, soit la loi de l’Etat sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence, le permet. ») mais à la condition que le mariage soit reconnu dans les deux Etats ou si l’on fait application de la loi française en écartant la loi personnelle (c’est-à-dire celle en vigueur dans l’Etat de l’autre conjoint étranger).
Néanmoins, la circulaire ne s’applique pas à onze pays avec lesquels notre pays est lié par des conventions bilatérales prévoyant que la loi applicable aux conditions de fond du mariage est la loi personnelle du conjoint étranger. Ces pays sont les suivants : Pologne, Maroc, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie, Kosovo, Slovénie, Cambodge, Laos, Tunisie et Algérie.
Il en résulte que la circulaire édicte que, lorsqu’un mariage sera envisagé entre deux personnes de même sexe, dont l’un des époux est ressortissant de l’un de ces pays, l’officier d’état civil ne pourra célébrer le mariage.
Notre association, rejoignant la position d’un grand nombre d’associations LGBT (lesbiennes, gaies, bisexuelles et trans), estime que cette mesure est discriminatoire vis-à-vis des couples binationaux de même sexe et qu’elle ne devrait pas s’appliquer.
Les couples binationaux de même sexe qui ont contacté la ministre de la justice se sont vu répondre que ce problème dépendait du ministère des affaires étrangères à qui il appartient de renégocier les conventions bilatérales avec les onze pays concernés. Ce ministère considère, quant à lui, qu’il n’a pas à dicter leur conduite à ces pays.
Les ministères se renvoient donc chacun le problème qui, de ce fait, ne reçoit et ne recevra aucune solution si vous n’intervenez pas.
Pour notre part, nous considérons :
– que la circulaire aurait dû faire l’objet d’une concertation, au moment de son élaboration, avec des associations LGBT, ce qui aurait évité les incompréhensions actuelles.
– que les obstacles juridiques soulevés par ces onze accords bilatéraux auraient dû être étudiés et anticipés depuis le lancement du projet de loi de mariage pour tous par le ministère des affaires étrangères. A travers des articles de presse, nous apprenons que dans les bureaux de ce ministère, visiblement, la question dérange. « Nous luttons contre les discriminations et sommes en contact avec les pays amis mais ce n’est pas à nous de leur dicter la conduite à avoir », selon Jacques De Noray, porte-parole adjoint au ministère. Mais concrètement nous apprenons qu’à ce jour « à sa connaissance aucune procédure de modification de ces traités n’est en cours ». Aussi, nous ne comprenons pas que rien ne soit fait pour engager immédiatement des négociations avec les onze pays concernés…
– Enfin, nous attirons vote attention sur le caractère discriminatoire de cette circulaire, qui fait l’objet ce jour d’une saisine officielle de notre association auprès du Défenseur Des Droits dont vous trouverez copie jointe.
En effet, son application nous semble plus conciliante sur le respect de ces mêmes conventions internationales lorsqu’il s’agit de couples hétéros. Ainsi, le droit algérien interdit le mariage entre une femme musulmane et un homme d’une autre religion. Une règle qui devrait s’appliquer en France puisque, comme nous l’apprend cette circulaire, lorsque l’un des époux est Algérien, il doit se conformer aux règles de son pays d’origine. Pourtant, il n’y a pas toujours de conversion religieuse et cela n’empêche pas de voir fréquemment de tels mariages mixtes, mais comme ce sont des couples hétéros, cette pratique ne semble susciter aucune objection.
Aussi, pour ADHEOS, quand on se souvient que le fondement retenu pour ouvrir le mariage aux personnes de même sexe est l’égalité entre les couples et le refus des discriminations fondées sur l’orientation sexuelle, l’exception formulée à l’article 202-1 du code civil sera bien difficile à justifier.
Pour ADHEOS, ou bien l’on assure le respect de tous les droits étrangers qui restent fidèles à la conception “ traditionnelle ” du mariage – quitte à le moduler selon l’intensité des liens qui rattachent la situation au pays en question – ou bien on impose à tous les valeurs que l’on a jugées nécessaire de traduire dans les textes internes.
Vous remerciant de votre aide et de votre compréhension et restant à votre disposition pour tous renseignements complémentaires, nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, à notre très respectueuse considération.
Le Président :
Frédéric HAY