C’est une première: la Cour interaméricaine des droits de l’homme vient de condamner l’Etat chilien pour discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Karen Atala avait perdu, en 2004, la garde de ses enfants en raison de son homosexualité.
Regina a 12 ans, Victoria en a 14 et Matilde 17. Depuis huit ans, les trois jeunes Chiliennes voient leur mère tout au plus deux week-ends par mois, quand cette dernière peut parcourir les 700 km qui les séparent, et un mois par an, pour les vacances. En 2004, la Cour suprême avait omis l’avis des fillettes qui disaient vouloir rester avec leur maman. A ses yeux, en vivant avec sa compagne, Karen Atala (photo) avait «fait passer ses intérêts propres avant ceux de ses filles».
Des excuses publiques
La Cour ajoutait: «Outre les effets que cette vie commune peut causer sur leur bien-être psychique et émotionnel (…), l’éventuelle confusion des rôles sexuels que peut produire sur eux la carence d’un père de sexe masculin et son remplacement par une autre personne de genre féminin au foyer constitue une situation à risque pour le développement général des mineures.»
Mardi, la Cour interaméricaine des droits de l’homme, qui dépend de l’Organisation des Etats américains (OEA), a déclaré le Chili coupable de violation du droit à l’égalité et du droit à la vie privée. «C’est une sentence historique, souligne Jorge Contesse, avocat de Karen Atala. Pour la première fois, une Cour internationale condamne la discrimination sexuelle, ce qui crée un précédent pour tous les pays d’Amérique.»
La Cour suprême s’enfonce
Rolando Jimenez, président de l’association des gays, lesbiennes et trans du Chili (Movilh) a ajouté: «On se souviendra du Chili comme du premier Etat condamné pour discrimination sexuelle.» On peut imaginer en effet que les juges réfléchiront à deux fois avant d’émettre des jugements basés sur des critères homophobes…
L’Etat chilien est donc condamné à payer 60.000 dollars à Karen Atala et environ 12.000 à chacune de ses filles, à leur garantir un suivi psychologique gratuit, à émettre publiquement ses excuses et à renforcer la formation des magistrats pour éviter les discriminations. Si le ministre de la Justice, Teodoro Ribera, a immédiatement annoncé que ces mesures seraient appliquées dans les plus brefs délais et affirmé «l’attachement du (Chili) aux droits de l’homme et au droit international», la Cour suprême a rejeté l’accusation. «Je pense qu’il n’y a pas eu discrimination», a commenté Jaime Rodriguez, le porte-parole de l’institution. «La sentence s’était moins centrée sur l’option sexuelle que sur les possibilités de risques encourues par les petites filles.»
«Se débarrasser de l’étiquette de mauvaise mère»
La porte-parole de Karen Atala a fait savoir sa joie et son soulagement: «Elle peut enfin se débarrasser de l’étiquette de mauvaise mère qu’on lui avait collée.» Elle n’aurait pas l’intention de redemander la garde de ses filles afin de leur éviter un nouveau procès. Elles retrouveront peut-être leur mère une fois majeures.
Ce jugement intervient alors qu’un mouvement prend naissance au Chili sur les droits homosexuels: le président Sebastian Piñera (droite) a présenté en 2011 un projet de loi sur la famille qui aboutit à reconnaître civilement les couples homosexuels. Mais le projet de loi tarde à être étudié au Parlement.
- Source TETU