Mounir Baatour, président de l’association Shams, s’est lancé dans la course à la présidentielle de novembre, dans une Tunisie qui criminalise encore l’homosexualité.
Une personnalité ouvertement LGBT qui se présente à la présidentielle, c’est du jamais-vu dans le monde arabe. Le mois dernier, Mounir Baatour, avocat de 48 ans, s’est déclaré en lice pour la magistrature suprême en Tunisie, annonçant qu’il avait recueilli les 10’000 signatures nécessaires à l’officialisation de sa candidature.
L’homosexualité reste illégale en Tunisie et passible de 3 mois de prison au titre de l’article 230 du Code pénal, une loi que Mounir Baatour combat au sein de l’association LGBT qu’il a cofondée et qu’il préside, Shams. Il a lui-même été emprisonné en 2013.
Selon Shams, le nombre d’arrestations d’homosexuels présumés a augmenté fortement au cours de l’année dernière: 127 cas répertoriés, contre 79 l’année précédente. Depuis sa création en 2015, l’association elle-même est constamment menacée de fermeture, ce que Baatour a qualifié de «harcèlement judiciaire».
Modernisation
Investi par le petit Parti libéral tunisien, Baatour défend un programme de modernisation économique et de décentralisation, et s’engage pour l’égalité hommes-femmes et la défense des minorités, qu’elles soient LGBT ou amazighe. «La Tunisie a besoin d’un programme démocratique qui puisse inclure les différentes identités, cultures, croyances et langues de ce pays», a-t-il déclaré.
L’avocat et militant a par ailleurs décoiffé ses concitoyens en 2017, lorsqu’il a publiquement défendu une normalisation des rapports avec Israël, question taboue s’il en est dans les pays arabes et musulmans. Il a récemment mis ce sujet entre parenthèses, prônant une paix israélo-palestinienne dont la Tunisie serait la médiatrice, rappelle France 24.
Hostilité
Progressisme, homosexualité, laïcité, ouverture vis-à-vis d’Israël… un cocktail politique qui a de quoi déclencher des haines féroces, notamment chez les confrères avocats de Baatour, qui ont réclamé sa radiation du barreau, tandis que sur les réseaux sociaux, il est qualifié de «honte pour la Tunisie». Le quadragénaire, lauréat du Prix Idahot 2018 en France, sait que le chemin est encore long jusqu’à l’élection et que ses chances sont minces. Mais «je maintiens ma candidature, a-t-il confié à la Deutsche Welle. Je vais me battre pour mes valeurs jusqu’au bout.»
- SOURCE 360 CH