Le gouvernement allemand a octroyé 15 millions d’euros à l’édification à Berlin de la fondation Magnus Hirschfeld, du nom du sexologue qui s’est battu contre la pénalisation de l’homosexualité. Cette structure était en projet depuis dix ans
En votant le budget pour l’année 2011, la coalition libérale-chrétienne-démocrate allemande a mis fin à un suspens de dix ans dans la communauté LGBT: 15 millions d’euro seront octroyés pour la construction de la fondation Magnus Hirschfeld à Berlin. Du nom du médecin qui a créé le premier institut de sexologie au monde, ce centre sera un lieu de recherche sur les thèmes LGBT et notamment les persécutions des homosexuels. Il s’agira, comme le disait Magnus Hirschfeld lui-même: faire «l’égalité de droits grâce à la science».
Sur le papier depuis dix ans
Dans un contexte de rigueur budgétaire, la décision du gouvernement est tant symbolique que courageuse. 15 millions d’euro du budget du Ministère de la Justice seront versé pour que la fondation soit enfin érigée. Enfin, car sur le papier elle existe depuis déjà dix ans. Mais aucune part de budget ne lui avait été réservée. Le lieu de son édification n’a pas encore été communiqué mais elle pourrait investir une place de choix, à l’instar de la rive Magnus Hirschfeld qui se trouve depuis mai 2008 à droite de la chancellerie. Le médecin est aussi à l’honneur au Schwules Museum (Musée de l’homosexualité) de Berlin où une grande partie de l’exposition permanente est consacrée à ses travaux.
La ministre de la Justice Sabine Leutheusser-Schnarraberger s’est félicitée de cette décision. Selon elle, même si la société est plus ouverte d’esprit, «les avancées juridiques se retrouvent malheureusement nez à nez avec une augmentation des discriminations au quotidien». De son côté, l’Association Initiative Queer Nations s’est réjoui du caractère national de cette fondation qui se situera à Berlin mais permettra aux thèmes LGBT «d’avoir enfin une place raisonnable dans le discours scientifique et faire durablement partie de la scène politique. C’est donc un acquis important pour toute la communauté gay, lesbienne et trans à travers l’Allemagne».
Réfugié à Nice
Après avoir étudiant d’origine juive à Strasbourg et dans plusieurs villes d’Allemagne, Magnus Hirschfeld a fondé le premier institut de sexologie à Berlin en 1919. Il y défend la théorie du troisième sexe et la thèse du caractère inné de l’homosexualité. Il se sert de cet argument contre sa condamnation pénale, qui restera officiellement dans la Constitution allemande jusqu’en 1994. Au début des années 1900, le médecin Hirschfeld fit une étude auprès d’étudiants et d’ouvriers pour conclure que 2,3% de la population est homosexuelle et 3,4% bi. En 1933, le régime nazi détruit cet institut de sexologie qui était unique en son genre. L’année suivante, Magnus Hirschfeld se réfugiera à Nice où il mourra en 1935. Un hommage solennel lui a d’ailleurs été rendu dans la capitale azuréenne au printemps dernier, à l’occasion du 75e anniversaire de sa mort (lire article)