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 d’ADHEOS

À quelques semaines du Mondial au Qatar, où l’homosexualité est illégale, Yoann Lemaire revient sur l’homophobie dans le football. Pour la deuxième année consécutive, son association a enquêté dans des centres de formation, de préformation et de pôles espoirs.

Jeudi 27 octobre 2022, cela fera un an que le footballeur australien Joshua Cavallo a fait son coming-out. Si des stars comme Zlatan Ibrahimovic et Antoine Griezmann ont félicité le défenseur d’Adelaide United, l’homosexualité reste taboue dans le monde du football.

Pour sensibiliser les jeunes à cette question, Yoann Lemaire, fondateur et président de l’association Foot Ensemble, fait depuis plusieurs années le tour des clubs de l’hexagone. À l’occasion de son nouveau rapport sur la perception de l’homosexualité, il a répondu aux questions de franceinfo: sport.

franceinfo: sport : Comment avez-vous réalisé cette enquête ?  

Yoann Lemaire : Depuis deux ans, on réalise un questionnaire qu’on envoie aux différentes structures des clubs. Cela nous a permis d’avoir un échantillon de 1 321 questionnés contre 1 605 l’année dernière. Pour le qualitatif, les clubs nous appellent afin de faire une journée de sensibilisation et on pose les mêmes questions. Je m’amuse aussi à comparer les réponses avec ce que je peux voir dans les collèges et les lycées “classiques”.

Quels sont les résultats ?

Assez bons en moyenne. Si on parle d’acceptabilité – un terme critiqué mais utilisé par les instituts de sondage – plus de sept jeunes sur dix trouvent l’homosexualité “acceptable”. Ces mêmes jeunes sont prêts, à 74%, à soutenir un coéquipier gay en cas de problème. Ils reconnaissent aussi l’homophobie, puisque 32% affirment avoir été insultés par des propos homophobes.

e gros point négatif à mes yeux, ce sont les interprétations des religions et la non-connaissance de la laïcité. Dans certains clubs, les résultats sont très bons avec des jeunes qui respectent l’homosexualité, sans forcément être à l’aise avec, et d’autres où l’attitude est très mauvaise. Cette enquête sert avant tout à cibler des clubs. L’année dernière, on en a ciblé six avec des résultats inquiétants et ils nous ont demandé de venir faire des ateliers.  

Quelles évolutions notez-vous par rapport à l’année dernière ?

Les chiffres étaient meilleurs parce qu’il y avait plus d’équipes féminines et que les clubs “gay friendly” ont un peu moins participé. Par rapport aux clubs ciblés, je n’ai pas encore tout vérifié mais j’ai vu une amélioration. Il y a tout de même des comportements inquiétants, que j’ai vu de mes propres yeux et qui m’ont fait souffrir. Dans ce cas-là, le club doit faire de la coercition.

Que préconisez-vous en priorité ?

Faire le maximum de sensibilisation à long terme. C’est-à-dire de ne pas se limiter à ma venue, mais que le travail dure plusieurs mois, voire plusieurs années. Si le jeune n’évolue pas et qu’il estime que son éducation ou sa culture lui disent que c’est interdit l’homosexualité, il faut que le club intervienne. Un gamin raciste, on va le convoquer, lui parler et essayer de comprendre. Ça doit être pareil pour l’homophobie qui est un délit. Le but c’est que tous les jeunes de centre de formation soient en l’espace de deux à cinq ans, sensibilisés au moins une fois à la lutte contre l’homophobie.

Au vu des polémiques impliquant Idrissa Gueye ou Iker Casillas, les professionnels n’ont-ils pas besoin eux aussi d’être formés à ces problématiques ?

L’objectif de la LFP, c’est de le faire avec plusieurs clubs à l’année, en incluant les pros, les dirigeants, les entraîneurs…. On ne leur demande pas d’être des porte-paroles de la cause LGBT, mais de savoir de quoi ça parle et pourquoi ils doivent faire attention aux insultes sur le terrain ou en dehors. Pour ma première intervention chez les pros à Montpellier, certains m’ont dit qu’ils ne comprenaient pas le problème, n’étant pas concernés, ou qu’ils avaient peur de la médiatisation. On a donc eu une vraie discussion et je pense qu’on aurait dû commencer par là.

Ce levier permettrait-il aux joueurs évoluant en France de faire leur coming-out ?

C’est une question que je pose souvent aux gamins et aux quelques joueurs pros que je connais. Même si le sujet est vraiment mûr, on me parle toujours du risque à faire son coming-out vis-à-vis des autres joueurs, clubs, ou supporters. Il faut se mettre à la place du footballeur de Ligue 1 et se demander s’il n’a pas plutôt tout à perdre qu’à gagner. Tout le monde félicitera le premier à le faire mais il y aura quand même deux ou trois cons qui vont lui pourrir la vie dans son entourage, son équipe ou sur les réseaux sociaux.

Après avoir présenté le rapport à l’Elysée, aux instances du football français et aux clubs, êtes-vous encore investi dans cette cause ?

On nous a écoutés mais je ne suis pas sûr qu’on nous ait entendus. Avec la LFP, je crois qu’on va dans le bon sens et je comprends qu’il n’est pas simple d’aller organiser des actions comme celle à Montpellier. Concernant le gouvernement, j’attends de voir et, dans un mois ou deux, je prendrai mes responsabilités. On a énormément de demandes dans les collèges, les clubs, à la FFF mais on est les seuls bénévoles.

“J’ai vu le président de la République dire qu’il fallait chasser l’homophobie et le racisme dans le sport, mais je me demande ce que font les ministères.”

Yoann Lemaire, président de l’association Foot Ensemble

à Franceinfo: sport

Du temps de Laura Flessel aux Sports, on se voyait tous les mois avec plusieurs associations. On nous demandait notre avis, on proposait des actions, et quand c’était oui, on nous donnait un budget. J’ai rencontré une fois Isabelle Rome [Ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances], on était trois associations et elle n’a même pas posé une question.

À l’approche de la Coupe du monde au Qatar, est-ce que vous attendez une action de la part de l’équipe de France ou de la FFF ?

Je trouve aberrant qu’à un mois d’une Coupe du monde au Qatar, tous ceux qui connaissent les différents sujets, grâce à leur travail de terrain, ne soient pas au courant des différentes politiques de la FFF ou du ministère des Sports. J’ai proposé un clip à la Fédération avec les joueurs de l’équipe de France et seulement trois ont répondu. On ne peut plus attendre que les joueurs s’engagent et Madame Amélie Oudéa-Castéra l’a dit très clairement.

C’est effrayant parce qu’on va encore découvrir qu’il y a un problème des droits de l’homme au Qatar, des journalistes vont faire leur travail en le dénonçant, mais il ne se passera rien au niveau des joueurs et des ministres.