Cette comédie dans la lignée de Gazon maudit, raconte avec justesse et sans moquerie le coming-out trans de l’épouse d’un maire conservateur d’une petite ville de province.
C’est l’une des comédies françaises les plus attendues de ce début d’année 2023. Dans Un homme heureux, en salles mercredi, Catherine Frot incarne Eddy, qui fait son coming out trans auprès de son mari Jean (Fabrice Luchini), maire conservateur d’une petite ville de Bretagne. En pleine campagne pour sa réélection, le candidat lui demande de reporter sa transition au lendemain de l’élection, mais la rumeur commence à courir…
L’annonce du projet, ainsi que les premiers teasers, ont pu effrayer les personnes concernées, échaudées par Si j’étais un homme, comédie de 2017 où une femme se réveille un matin avec un pénis. Mais à en croire les premiers retours du public, Un homme heureux évite les écueils du genre.
Présenté avant son tournage comme une comédie entre La Cage aux folles et Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu?, Un homme heureux s’inscrit davantage dans la lignée de La Zizanie avec Louis de Funès et de Gazon maudit de Josiane Balasko. Un homme heureux revisite aussi un genre typiquement américain, celui des comédies de remariage, où des couples mariés se séparent, puis se retrouvent.
“Ce qui est important, dans ce film, c’est qu’on apprend à aimer l’autre tel qu’il est et pas tel qu’on a envie qu’il soit”, résume le producteur du film Matthieu Tarot.
Pour Luchini et Frot
Le scénario a été co-écrit par Isabelle Lazard (Une intime conviction) et Guy Laurent (Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu?). “Je l’ai lu avec le prisme du Bon Dieu, en pensant à Christian Clavier et Chantal Lauby”, concède le producteur. “Dans un premier temps, je me suis dit que ce n’était pas pour moi. Puis j’ai réfléchi et je me suis dit que c’était pour moi à condition d’avoir Catherine Frot et Fabrice Luchini.”
Les deux stars, parmi les plus bankables du cinéma français, rêvaient justement de travailler ensemble depuis des années. “Tous les producteurs de France cherchaient depuis une quinzaine d’années à les réunir, mais personne n’avait trouvé le sujet”, précise Matthieu Tarot. “Fabrice était convaincu qu’il y avait un sujet pour eux deux.”
Pour mettre en scène cette histoire, il a fait appel à Tristan Séguéla, réalisateur de Docteur? (2019), une comédie douce-amère avec Michel Blanc. Pour Un homme heureux, Séguéla a adopté la mise en scène “la plus classique possible” pour respecter au mieux son sujet, “avec l’espoir que ça n’entrave pas l’énergie comique des situations”. D’une durée de 1h29 (huit minutes ont été coupées depuis sa présentation à l’Alpe d’Huez), le film a été salué par l’efficacité de son rythme et de ses gags.
“Un vrai duo de comédie”
Malgré son rythme endiablé, Un homme heureux n’oublie jamais de proposer des moments de tendresse. Au fil du film, le rire du public évolue pour se rallier au personnage incarné par Catherine Frot. Et son coming out provoque dans les séances plus d’émotion que de rire, pour le plus grand soulagement de Tristan Séguéla:
“C’est ce dont je suis le plus fier. Les gens, à ce moment, ne rigolent pas. C’est ce qui m’avait tout de suite plu quand j’ai lu le scénario: le film pousse le spectateur à s’interroger.”
Le réalisateur s’est efforcé de ne jamais rire avec le personnage de Luchini de ce qui arrive à celui de Catherine Frot: “S’il y a une chose à laquelle j’ai veillé, c’est bien ça: que le film ne soit pas une bête moquerie de ce qui arrive à Eddy. J’ai essayé d’orienter le rire, de faire en sorte qu’on ne se moque pas et que ça reste drôle.”
“Le spectateur le sent très vite”, insiste-t-il encore. “Rire avec le personnage de Fabrice, c’est se moquer du personnage de Catherine. J’espère – et c’est ce qui se passe à chaque projection – que le public va se marrer du conservatisme et des élans effarés de Jean. Si ce personnage n’était pas un réac, ça ne serait pas aussi drôle.”
Catherine Frot et Fabrice Luchini “s’accordent hyper bien” et forment “un vrai duo de comédie”, s’enthousiasme le réalisateur. La comédienne s’est d’ailleurs très impliquée dans la création de son personnage et s’est renseignée auprès de personnes trans. “Il n’y a aucune distance entre elle et son rôle”, assure Tristan Séguéla. “Elle a approché le rôle le plus sincèrement du monde. Elle y a été tout entière.”
“J’étais flippé de le montrer”
Certaines scènes du scénario d’Un homme heureux – notamment celles qui se déroulent dans le groupe de parole trans – ont été relues par des personnes concernées. L’une des comédiennes trans du film “a porté un regard sur le scénario, dont j’ai tenu compte”, précise encore Tristan Séguéla.
Dans le cadre de ce film, qui s’adresse en partie à un public senior, les scènes avec le groupe de parole a des vertus pédagogiques: “Il s’adresse à ce public-là. Ça prend du temps de faire comprendre certaines choses. Ce sont des notions complexes. Le film a conscience de ça tout en essayant de faire rire”, insiste le réalisateur.
Tristan Séguéla a montré le résultat final aux comédiens et aux comédiennes trans du film: “Certains-certaines sont venus avec des potes [pour voir le film]. J’étais flippé de le montrer. Comme je n’avais pas donné à lire le scénario en entier, j’étais persuadé que quelqu’un allait se barrer à la cinquième minute. Je crois pouvoir dire que ces vingt-là sont sortis enchantés. Évidemment, certains ne vont pas aimer.”
Dans les prochains mois, Tristan Séguéla s’attaquera à un autre sujet qui devrait faire autant parler: un biopic de Bernard Tapie pour Netflix, Wonder Man. Une série de sept épisodes d’une heure, avec Laurent Lafitte dans le rôle principal. “Ça sort en juin ou en octobre”, annonce le réalisateur. “Je suis content. J’ai hâte de la montrer.”
SOURCE : bfmtv.com
