Depuis le lundi 27 mars, une soixantaine d’élèves de l’école d’hôtellerie-restauration Vatel, sont en grève pour dénoncer le comportement de certains professeurs.
Harcèlement sexuel, propos homophobes, insultes : une promotion entière d’étudiants en management hôtelier de la célèbre école hôtelière Vatel est en grève depuis trois semaines, pour dénoncer « l’inaction de la direction » face au comportement de certains professeurs.
Créé il y a 42 ans par Alain Sebban et son épouse, Vatel qui se présente comme le 1er groupe mondial de l’enseignement du management de l’hôtellerie avec 52 écoles dans 32 pays et un chiffre d’affaires de 90 millions d’euros, se targue de transmettre un « esprit Vatel » alliant « savoir-faire » et « savoir être » à ses 42.000 diplômés, actifs dans le tourisme et l’hôtellerie.
« Tu n’es qu’une merde »
Mais depuis le 27 mars, la soixantaine d’élèves de troisième année de Bachelor de l’école parisienne est en grève, refusant d’aller en cours de cuisine, pour dénoncer le comportement de certains professeurs du restaurant d’application ouvert au public, où ils apprennent les métiers de la cuisine et de la salle.
Parmi eux, Erika (prénom d’emprunt) décrit à l’AFP le choc vécu en première année : « On nous criait dessus tous les jours, on me disait « Tu n’es qu’une merde ». Le matin je pleurais, j’en vomissais le soir tellement j’étais angoissée ».
Olga (prénom d’emprunt), elle, se souvient, dès sa première semaine à Vatel Paris, à l’automne 2020, « des mains derrière le dos, des caresses sur les bras » du chef pâtissier. Elle a alerté la direction sur les « gestes inappropriés avec les élèves » de ce professeur, mais celle-ci « n’a jamais donné suite », dit l’élève.
Toutes deux disent avoir, par la suite, « souvent récupéré des filles de première année en pleurs, qui n’en pouvaient plus », cibles de « propos obscènes chuchotés à l’oreille » et de « coups de spatules sur les fesses » de la part du chef pâtissier
Des mains brûlées
Axelle (prénom d’emprunt) se souvient qu’il lui a souvent « saisi le cou » avec force, l’interrogeant sur « ce qu’(elle) avait fait avec (son) petit ami pendant le week-end ». Un jour, l’un d’eux « pose sa casserole brûlante sur ma main. Je le regarde et je lui dis « tu m’as littéralement brûlée ». Il me fait « Oui » (…) après j’ai fait la gueule et il a fini par s’excuser », dit-elle. « Et je suis loin d’être la seule à avoir été ainsi brûlée ».
Simon (prénom d’emprunt) décrit une « atmosphère sous pression, malsaine ». Le chef pâtissier « lance des saladiers, des fouets sur nous, un jour il m’a dit « T’es qu’un gros pédé, tu ne feras rien dans le milieu » ». Il a dit « à un élève, resté seul avec une camarade : « Occupe-toi de la baiser, je reviens dans dix minutes » ».
Selon une enquête du site d’investigation Mediacités, dès 2020, 141 étudiants ont signé une tribune adressée au fondateur de Vatel, Alain Sebban, faisant état de « dysfonctionnements (…) parmi lesquels le mépris et le manque de respect du personnel encadrant ». Transmise au directeur général de l’école parisienne, son fils Dov Sebban, cette lettre est restée sans réponse.
La grève se poursuit
Au début de la grève, Dov Sebban a affirmé dans un courrier aux élèves daté du 27 mars, transmis à l’AFP, avoir pour la première fois en mai 2022, été « alerté par des étudiants accusant deux enseignants de propos et gestes dégradants » et avoir « pris des mesures à leur encontre ». Ils n’ont depuis « pas fait l’objet de nouvelle alerte en interne », assure-t-il.
Ces deux enseignants, « un chef de cuisine et un chef pâtissier », ont « fait l’objet de sanctions disciplinaires consignées dans leur dossier », qui doivent rester confidentielles, a affirmé la direction à l’AFP.
La grève se poursuivant, M. Sebban a dans un deuxième courrier daté du 5 avril, admis des « faits incontestablement inacceptables » et annoncé faire appel à « des consultants extérieurs » pour mettre en place un « dispositif d’alerte et de prise en charge d’éventuels risques psycho-sociaux », il sera « opérationnel » en « septembre 2023 », a précisé la direction.
Face au maintien en place des professeurs par la direction, ceux-ci ont poursuivi leur grève pour une troisième semaine, celle du 10 avril, affirmant dans une lettre que « la violence n’a pas sa place dans une école, ni dans notre cœur de métier ».
Interrogé par l’AFP, Jean-Virgile Crance, président du syndicat patronal GNC (Groupement national des chaînes hôtelier) estime que « si cette situation est avérée, elle est intolérable ». « Tous ceux qui œuvrent dans la formation des jeunes recrues de nos métiers se doivent d’être exemplaires », dit-il.
SOURCE:www.paris-normandie.fr