Mémoire de l’homophobie d’État : de Vichy à 1982
La Fédération LGBTI soutient la proposition d’Hussein Bourgi
La droite sénatoriale a commis une faute politique
Cet été 2024, le Sénateur Hussein Bourgi a déposé une proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982. La Fédération LGBTI+ adresse ses plus vifs remerciements au sénateur Bourgi pour son travail qui répare une injustice ancienne. Elle condamne en revanche avec la plus grande fermeté la droite sénatoriale qui, vidant le texte de sa substance, a commis une faute politique.
Reconnaître et réparer
La proposition de loi s’inscrit dans la logique d’une juste reconnaissance et de réparation de l’homophobie d’Etat : reconnaître la responsabilité de la République (article premier), combattre le négationnisme (article 2) et réparer par une indemnisation financière (articles 3 et 4). Une telle loi aurait incontestablement pour effet de solder un contentieux ancien de plus de 80 ans entre le mouvement LGBTI+ et la République.
La pénalisation du révisionnisme répond à l’exigence de reconnaître la déportation pour motif d’homosexualité, en affirmant un inséparable corollaire : condamner explicitement la négation de ce fait historique. Sur ce point, les Centres LGBTI+ participent depuis longtemps à la mémoire de toutes les personnes déportées, sans distinction.
Quant à la réparation, elle est un acte nécessaire. Jointe à la parole, elle lui donne réalité et joue un rôle symbolique décisif pour les personnes concernées.
Une loi vidée de sa substance
La droite sénatoriale a vidé la proposition de loi de sa substance, en faisant preuve d’une déconcertante mauvaise foi, par une argumentation tordue.
D’une part, elle a refusé de reconnaître la responsabilité de l’Etat du fait des actes homophobes commis par le régime de Vichy entre 1942 et 1945. C’est un affront, alors que le Conseil d’Etat a reconnu la responsabilité de la puissance publique du fait des crimes commis par Vichy à l’encontre des Juifs, par une décision remarquée du 16 février 2009. En amputant l’article premier, la droite sénatoriale marque un « deux poids, deux mesures » qui témoigne d’une conception singulière de la mémoire de la déportation et du régime de Vichy.
D’autre part, la droite sénatoriale a refusé d’indemniser les victimes de cette politique : « la reconnaissance oui, la réparation : non ! ». Elle prétextait que les Etats qui ont réhabilité les personnes condamnées pour homosexualité n’ont pas versé une indemnité financière, sauf trois pays (Allemagne, Espagne, Canada). La droite sénatoriale a bricolé un argument de circonstance : leur histoire « diffèrerait substantiellement de celle de la France ». Un argument sorti du chapeau pour justifier l’amputation du texte de ses articles 3 et 4.
Pourtant, il faut pourtant se souvenir qu’une loi du 23 février 2022 reconnaissait et indemnisait les harkis victimes des conséquences de la Révolution Algérienne. Le dispositif prévu par la proposition d’Hussein Bourgi s’inscrivait dans la même veine. La droite sénatoriale n’en a pas voulu, introduisant donc un double-standard entre deux crimes pourtant également condamnables.
Enfin, la droite sénatoriale s’est évertuée à amputer la proposition de son article 2, dont l’objectif était de faire entrer explicitement la contestation de la déportation pour motif d’homosexualité dans le champ du délit de négationnisme – institué par la loi Gayssot. Il a été retenu que l’adoption d’une telle disposition donnerait des armes à la défense dans le procès intenté par plusieurs associations LGBTI+ à Eric Zemmour. Une argumentation tordue, contestable et d’ailleurs contestée par les associations LGBTI.
Telle qu’elle a été votée en séance plénière, la proposition de loi reconnaît en partie et ne répare rien du tout. La Fédération LGBTI+ soutient la proposition de loi initiale d’Hussein Bourgi et appelle les députés à s’en saisir et à l’amender. Elle est prête à défendre son point de vue devant les parlementaires.
- Contact Kévin GALET-IEKO, porte-parole