Si le gouvernement a affiché cette semaine, après de nouveaux incidents lors du match PSG-Strasbourg, sa volonté de lutter contre les chants homophobes dans les stades de football, un flou demeure quant à la concrétisation. Là où le ministre des Sports, Gil Avérous, approuve les solutions des associations LGBT, celui de l’Intérieur, Bruno Retailleau, ne veut pas fâcher la Ligue de foot professionnel.
Est-ce parce qu’il est attendu au tournant sur les questions LGBT, au vu du pedigree LMPT de plusieurs de ses membres ? Le gouvernement de Michel Barnier paraît en tout cas déterminé à montrer qu’il peut faire mieux que les précédents sur le sujet de l’homophobie dans les stades de football. En réaction à la nouvelle séquence de chants homophobes qui ont entaché la rencontre PSG-Strasbourg du 19 octobre, ses ministres des Sports et de l’Intérieur ont rencontré cette semaine les associations LGBTQI+ puis les autorités du foot. S’ils ont annoncé ce jeudi 24 septembre vouloir sanctionner les supporters responsables, ils restent divisés quant aux modalités d’interruption des matchs en cas d’éruption homophobe dans les tribunes.
Après avoir reçu ce mardi 22 septembre les associations SOS homophobie, Stop homophobie, Fier play, Sportitude, Rouge direct et Bleus et Fiers, le gouvernement semblait d’abord acquis à l’idée d’imposer l’arrêt total des matchs en cas de chants homophobes répétés : jeudi matin sur France inter, le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, s’y est dit favorable, mais une réunion l’après-midi avec la Ligue de football professionnel (LFP) et la Fédération française de foot (FFF) a créé un flottement au gouvernement…
Arrêt ou interruption du match
Le soir, le ministre des Sports, Gil Avérous, affirme sur BFMTV que “la décision qui a été prise est d’appliquer strictement le protocole Fifa [de la Fédération internationale de football]“. Celui-ci prévoit une réponse graduée en cas de manifestation d’homophobie dans les stades : interruption du match, suspension (avec renvoi des joueurs aux vestiaires), voire arrêt définitif avec défaite de l’équipe jouant à domicile. Des sanctions soutenues depuis des années par les associations comme Rouge direct ou Stop homophobie. Mais dans le même temps, Bruno Retailleau recule : sur RMC, il estime désormais que l’arrêt des matchs n’est “pas la bonne solution” et propose de simples interruptions.
C’est que la Ligue de football professionnel (LFP), dont dépend la décision d’arrêter un match, n’est pas favorable à ce couperet ultime : “Si on interrompt à chaque match de manière définitive, il n’y a plus de match, il ne faut pas que [les homophobes] gagnent”, plaide son président, Vincent Labrune, cité par Ouest France. “La LFP refuse d’arrêter les matchs car elle craint de perdre des recettes commerciales, juge Julien Pontes, porte-parole du collectif Rouge direct, auprès de têtu·. On a le sentiment que Bruno Retailleau plie devant la LFP toute puissante.”
Ciblage des supporters
Au delà de ce différend, le gouvernement annonce d’autres mesures pour lutter contre le fléau. Bruno Retailleau promet des “frappes chirurgicales” visant spécifiquement les supporters homophobes. La LFP se dit “favorable à tout ce qui permettra d’identifier et d’interpeller les fauteurs de troubles pour permettre ensuite d’individualiser les sanctions”, rapporte l’Agence France-Presse (AFP). Deux supporters soupçonnés d’avoir lancé les chants homophobes lors de la rencontre du 19 octobre ont d’ailleurs été identifiés doivent être interpellés, a annoncé le ministre, qui a aussi promis de placer “des policiers en tenue civile régulièrement dans les stades pour repérer individuellement les fauteurs de trouble”, mais encore le recours “aux caméras algorithmiques”.
À la tête de l’association Bleus et Fiers, Jean-Baptiste Montarnier, “attend de voir” si la présence de policiers en civil changera les choses – “On veut judiciariser, j’attends des sanctions lourdes pour que ces chants puissent cesser”, a-t-il martelé sur RMC. Julien Ponte, lui, n’y croit pas : “Il y a déjà des policiers en civils dans les stades et les exfiltrations de supporters pendant les matchs sont tellement risquées qu’elles sont de fait inenvisageables.” Pour Etienne Deshoulières, de Stop homophobie, la réponse ministérielle reste insuffisante : “Le gouvernement se couche alors même qu’il fait face à des infractions pénales répétées depuis plusieurs années.”
L’Inter-LGBT, la Fédération sportive LGBT+ et l’association Paris arc-en-ciel , qui n’ont pas été consultées cette semaine par les deux ministres, critiquent quant à elles une “méthode incompréhensible” : “Aucune association sportive LGBTQI+ de terrain n’a été invitée. Pourtant, la Fédération sportive LGBT+ compte de nombreuses associations de football et les associations LGBTI travaillent depuis longtemps sur ces sujets. Un simple coup de fil, et nous aurions volontiers répondu présent·e·s”, écrivent les organisations dans un communiqué commun.
- SOURCE TETU