Le Conseil constitutionnel a rejeté la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) de Stop homophobie qui réclamait la possibilité pour les associations LGBT+ de se constituer partie civile dans des dossiers de guets-apens homophobes.
“C’est une déception pour Stop homophobie et plus largement pour la défense et l’accompagnement des victimes d’actes anti-LGBT”, déplore Me Jean-Baptiste Boué-Diacquenod, avocat de l’association. Une réaction à la décision du Conseil constitutionnel, rendue le vendredi 22 novembre, rejetant la demande de pouvoir se porter partie civile dans les affaires de vol, d’extorsion ou de séquestration commis en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre.
Les avocats de Stop homophobie, Me Boué-Diacquenod et Me Pauline Alexandre, avaient déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en juin lors du procès de trois hommes jugés pour des guets-apens homophobes. Les avocats de la défense avaient demandé au tribunal de ne pas reconnaître l’association comme partie civile car leurs clients étaient poursuivis pour extorsion, séquestration et vol. Or, l’article 2-6 du Code de procédure pénale, qui définit les affaires dans lesquelles les associations luttant contre les LGBTphobies et le sexisme peuvent se porter partie civile, ne liste pas ces chefs d’accusation.
Maîtres Boué-Diacquenod et Alexandre y voient une “rupture non justifiée de l’égal accès à la justice et donc de l’égalité devant la loi”, puisque d’autres associations de lutte contre les discriminations, par exemple celles liées au handicap, sont autorisées à se constituer partie civile pour ces mêmes infractions, d’après l’article 2-8 du Code de procédure pénale.
La balle est dans le camp du législateur
Les Sages du Conseil constitutionnel ont néanmoins jugé conforme à la Constitution l’article 2-6, arguant que “si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales”. Considérant que la différence de traitement soulevée par Stop homophobie “est fondée sur une différence de situation”, ils ont écarté l’argument “de la méconnaissance des principes d’égalité devant la loi”.
Si la loi actuelle est jugée constitutionnelle, elle peut toujours être modifiée. Mais ni l’exécutif ni le législatif ne semblent très motivés. Lors de l’audience du Conseil constitutionnel, le 13 novembre, le représentant du gouvernement (désormais démissionnaire) avait ainsi estimé qu’il n’y aurait pas suffisamment de guets-apens homophobes en France pour justifier de changer la règle. “Le nombre d’affaires poursuivies pour au moins l’une de ces trois infractions en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre demeure limité : 26 affaires poursuivies en 2023, 21 en 2022, 29 en 2021 et 18 en 2020”, avait-il plaidé. D’après le décompte réalisé par têtu· au printemps 2023, il y a en réalité au moins un guet-apens homophobe par semaine en France.
Le même représentant du gouvernement avait néanmoins évoqué la réécriture en cours du Code de procédure pénale, laissant planer un doute dans la salle : celle-ci prévoirait-elle une modification des textes dans le sens voulu par Stop homophobie ? Eh bien, pas tout à fait… Dans une note adressée aux Sages quelques jours après l’audience, le cabinet du Premier ministre évoquait une réécriture du Code “à droit constant” : “La liste limitative d’infractions sera maintenue”, a précisé le ministère de la Justice.
“C’est regrettable, car à la fin ce sont les victimes qui pâtissent de ce système imparfait, soupire Me Jean-Baptiste Boué-Diacquenod. Il est grand temps que le législateur intervienne.” Trop souvent, en effet, les parquets et les tribunaux ne retiennent pas la circonstance aggravante d’homophobie. C’est pourquoi la constitution de nos associations comme partie civile est si importante : non seulement pour soutenir les victimes, mais aussi pour s’assurer que la justice comprenne et prenne en compte la réalité de nos vécus.
Source : tetu.com