“Je ne sais pas si je serai encore en vie pour le voir”, confiait-il à têtu· en 2010 au sujet de l’acceptation des homos dans tous les pays musulmans. Réputé le premier imam ouvertement gay au monde depuis son coming out il y a près de trente ans, Muhsin Hendricks a été tué par balle ce samedi 16 février dans son pays, l’Afrique du Sud, à l’âge de 58 ans.
Selon un communiqué de la police sud-africaine, la victime se trouvait à bord d’une voiture près de Port Elizabeth, dans le sud du pays, avec un chauffeur quand “deux suspects inconnus au visage couvert (…) ont commencé à tirer plusieurs coups de feu sur le véhicule”. Une porte-parole de la police a confirmé à l’Agence France-Presse (AFP) l’authenticité d’une vidéo du crime diffusée sur les réseaux sociaux, correspondant manifestement à une attaque ciblée, tout en précisant “ne pas vouloir spéculer” à ce stade sur la raison du meurtre, dans un pays affichant l’un des taux d’homicides les plus élevés au monde (plus de 75 par jour en moyenne) : “Le motif du meurtre est inconnu et fait partie de l’enquête en cours.”
Muhsin Hendrick, imam gay et “en paix”
Originaire du Cap, Moegsien Hendricks – son prénom à l’état civil – avait fait son coming out en 1996. “Je connaissais les risques que je prenais, mais je voulais être honnête avec moi-même. À cette époque, j’étais prêt à mourir”, nous expliquait-il encore lors de notre rencontre en marge d’une réunion de musulmans gays du monde entier organisée à Paris le 9 octobre 2010. En 2022, dans un documentaire qui lui était consacré et intitulé Le radical, Muhsin Hendricks avait évoqué plus précisément les menaces reçues en raison de son homosexualité, affirmant : “Le besoin d’être authentique a été plus grand que la peur de mourir.”
“Il est possible d’être un bon musulman tout en étant homosexuel”, martelait l’imam émancipé, qui se disait “en paix” avec lui-même et avec le Coran : “Les passages sur Sodome et Gomorrhe condamnent le viol mais pas l’homosexualité en elle-même. L’islam n’est pas une religion homogène, plusieurs interprétations du Coran sont possibles, car la langue arabe est très riche et l’écriture du texte est poétique.” À Wynberg, près de sa ville d’origine, Muhsin Hendricks dirigeait la mosquée Al Ghurbaah, un lieu de culte ouvert aux fidèles LGBT+ “où les musulmans homosexuels et les femmes marginalisées peuvent pratiquer l’islam”, selon le site internet de la fondation du “Cercle intérieur” adossée à la mosquée, qui proclame : “Cette mosquée est un espace sûr pour ceux qui vivent à la périphérie de la société musulmane, souvent stigmatisés et ostracisés en raison de ce qu’ils sont, de la façon dont ils choisissent de s’identifier.”
L’Association internationale des lesbiennes, gays, bisexuels, trans et intersexes (ILGA World) s’est dite “profondément choquée par la nouvelle du meurtre de Muhsin Hendricks”, demandant par la voix de sa directrice exécutive, Julia Ehrt, “aux autorités de mener une enquête approfondie” sur ce qu’elle craint “être un crime de haine”.
Source : tetu.com