2,5 % de la population mondiale vit sous la menace en raison de son orientation sexuelle ou son identité de genre, affirment de nouvelles projections de l’organisation ORAM.
Ce sont les organisations non-gouvernementales qui sont dans le collimateur de la première enquête mondiale sur l’attitude des ONG envers les personnes réfugiées et demandeuses d’asile LGBTI. Un rapport vient d’être publié par ORAM – l’Organisation pour le Refuge, l’Asile et la Migration – une ONG basée à San Francisco qui se targue d’être la seule structure non-gouvernementale dédiée exclusivement à l’aide aux personnes réfugiées LGBTI dans le monde.
Des doutes avérés
L’idée de mener cette vaste enquête conduite en partenariat avec l’université de l’Indiana et du Haut Commissariat aux réfugiés est partie d’un constat simple: si l’on peut évaluer le nombre de personnes persécutées pour leur orientation sexuelle ou leur genre dans le monde à 175 millions, comment se fait-il que seules quelques centaines obtiennent une protection adéquate? «Ce que nous suspections, c’est qu’une partie du problème venait du fait que les ONG censées aider ces personnes sont souvent homophobes ou ne donnent souvent pas l’aide nécessaire. Ainsi elles ne peuvent pas créer une atmosphère ouverte au dialogue pour répondre aux besoins de cette population», explique le directeur-exécutif d’ORAM Neil Grungas.
L’idée était d’avoir une base de données complète des ONG à travers le monde pour savoir vraiment ce qu’elles pensaient des thématiques LGBTI. 384 ONG dans 100 pays ont été sondées. Le questionnaire a été construit de manière à ne pas dévoiler le type d’informations recherchées. «Ce que nous avons découvert nous a beaucoup surpris. 95 % des dirigeants d’ONG pensent que les personnes LGBTI persécutées méritent d’être protégées. Mais seulement 90 % ont affirmé être prêtes à aider des personnes dans pareille situation», complète Neil Grungas.
Constats alarmants
Une deuxième phase de l’enquête consistait à mener des entretiens téléphoniques directement avec les dirigeants des ONG. Selon ORAM, force a été de constater que la plupart des interrogés n’arriveraient même pas à prononcer le mot gay ou lesbienne. «Nous nous sommes retrouvés face à deux types d’approche. La première est l’approche aveugle qui consiste à dire: nous aidons tous les réfugiés peut importe leur orientation sexuelle. Ce qui revient en définitive à ignorer les fondements même de leur persécution et l’explication de leur situation de réfugié. Nous avons eu un autre type de réponse tel que: nous n’avons jamais eu ce genre de situation.» Plus inquiétant. Quasi aucune des ONG n’a déclaré savoir comment former leur personnel à ces situations. Pour tenter d’inverser la tendance ORAM a émis des recommandations qui semblent tomber sous le sens mais qu’il est apparemment toujours nécessaire de répéter. Tout d’abord, créer des environnements propices au dialogue au sein des ONG en évitant de tomber dans les stéréotypes et les préjugés. Ensuite, former de manière continue sur les problèmes des réfugiés LGBTI et de manière adaptée aux contextes locaux. Enfin, adopter des chartes éthiques contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.
ORAM est une organisation non-gouvernementale dédiée exclusivement à l’aide aux personnes réfugiées LGBTI. Elle est basée à San-Fransisco, USA. www.oraminternational.org Le rapport «Ouvrir la voie» est disponible sur www.oraminternational.org/fr/publications
«La plupart des persécutions sont plutôt le fait de la famille ou d’individus»
175 millions: le nombre de personnes qui seraient discriminées dans le monde en raison de leur orientation sexuelle ou de leur genre. Un chiffre à prendre avec des pincettes puisqu’une estimation d’une minorité visible relève de l’équilibrisme statistique. N’empêche la situation reste alarmante. De passage à Genève pour le comité exécutif du Haut-Commissariat aux réfugiés, Neil Grungras, le directeur-exécutif d’ORAM a accepté de répondre à quelques questions.
– 360°: Quelles sont les régions du monde les plus discriminantes?
– Neil Grungras: Dans certaines régions cela va tellement mal que c’est parfois dur de comparer. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord produisent sans doute le majorité des personnes qui fuient pour des raisons de genre ou d’orientation sexuelle. Le plus grand nombre de réfugiés viennent des pays où il y a une combinaison entre d’une part l’impossibilité de survivre financièrement si l’on sait qu’ils sont LGBTI et d’autre part la présence de systèmes de persécution. Si on regarde une carte, il y a 7 pays qui appliquent la peine de mort pour avoir eu des relations sexuelles avec des personnes de même sexe. Mais la plupart des réfugiés ne viennent pas de là. Cela ne marche pas comme ça … En réalité, la plupart des persécutions de personnes LGBTI ne sont pas le fait de l’Etat mais plutôt de la famille ou d’individus. Par exemple, il y a beaucoup de personnes qui quittent l’Iran où la loi est très claire sur la question mais proportionnellement ils ne sont pas tant que ça. Les réfugiés LGBTI viennent donc surtout de l’Afrique du Nord, Centrale et de l’Ouest mais cela reste dur à évaluer. Concrètement, prenez à Genève, aux Pâquis, certains de ces Africains que tous pensent en situation irrégulière. Ils peuvent très bien avoir quitté leur pays en raison de leur orientation sexuelle. Simplement, ils ne vont pas vous le dire.
– Quelles sont les destinations les plus prisées?
– La Turquie est assez prisée par certains pour une question d’accès, de proximité. Les réfugiés LGBTI se posent en général deux questions. La première est où je peux aller et la seconde est quel est le traitement que l’on me réserve. C’est surprenant de se rendre compte qu’en Ouganda – pays clairement homophobe – il y a beaucoup de réfugiés LGBTI qui viennent du Rwanda ou de République Démocratique du Congo … ils y vont car c’est à côté. Autrement, c’est sûr qu’ils essayent d’aller à l’ouest.
– A l’Ouest, justement, quels sont les pays les plus accueillants pour cette population?
– En Europe, le taux d’asiles accordés pour des raisons liées à des persécutions liées à l’orientation sexuelle ou au genre est très bas tout comme en Suisse. Je dirais que les pays sont divisés en deux catégories. Ceux qui appliquent le discretion test, et les autres. Ce test consiste à dire aux demandeurs d’asile «si pouvez éviter d’être persécuté en cachant votre orientation sexuelle alors faites-le et il n’y aura pas de problèmes». En gros vivez dans le placard et vous n’aurez pas besoin de demander l’asile. Cela revient à nier le droit fondamental d’être qui l’on est, d’aimer qui l’on veut. Les USA et le Canada ont fait des progrès à ce niveau là. En Grande- Bretagne, deux cas jugés par la Cour suprême ont fait un peu bouger les lignes. La haute juridiction a retourné la logique du discretion test en réaffirmant la primauté des droits fondamentaux.
- SOURCE 360 ch