La confusion régnait mardi pour les couples homosexuels qui veulent se marier en Alabama, où nombre de juges refusent d’obéir à la Cour suprême des Etats-Unis, celle-ci s’acheminant vers une reconnaissance du mariage gay au niveau national.
L’Alabama, dans le sud profond des Etats-Unis, est devenu lundi le 37ème Etat américain sur 50 (plus la capitale fédérale Washington) où les couples de même sexe peuvent légalement se marier. Mais l’Alabama n’est pas comme les 36 autres, car, s’appuyant sur une instruction de la justice de l’Etat, la majorité des juges aux affaires familiales, responsables des actes de mariage, refusent de se plier à l’ordre de la plus haute juridiction du pays.
"C’est la première fois qu’il y a autant de résistance de juges d’Etat à une décision de justice fédérale qui invalide l’interdiction des mariages homosexuels par un Etat", déclare Carl Tobias, expert de l’Université de Richmond, en Virginie.
En attendant de trancher au niveau national, la Cour suprême des Etats-Unis a en effet autorisé lundi les gays et lesbiennes à se marier dans les 67 comtés de l’Alabama. Soulagés de voir s’achever une longue bataille devant les tribunaux, les couples de même sexe ont pu échanger leur consentement dès lundi dans les zones urbaines de l’Etat.
Théoriquement, ils peuvent le faire n’importe où, quel que soit le lieu de résidence. Mais dans 52 comtés, les juges aux affaires familiales ont refusé de remettre le moindre certificat de mariage à tous les couples (dans 40 comtés) ou seulement aux couples de même sexe (dans 12), selon le site dédié à l’Alabama AL.com.
Ils obéissent ainsi à l’instruction du président de la cour suprême de l’Etat, Roy Moore (photo), qui les a exhortés à la désobéissance. Avant même que la plus haute Cour du pays ne statue, le "Chief Justice" de l’Alabama, connu pour ses coups d’éclat contre l’autorité fédérale, a rappelé dès dimanche soir aux juges locaux qu’ils n’étaient pas tenus par un jugement fédéral et ne devaient donc pas établir d’acte de mariage aux couples de même sexe.
Dans le comté de Mobile, le bras de fer est à son comble, le juge aux affaires familiales ayant gardé portes closes dans l’attente d’une "clarification" de la Cour suprême de l’Alabama. "Nous avons affaire à un clash sans précédent entre la justice fédérale et locale et je dois m’assurer que tous mes actes soient parfaitement conformes avec le droit, aussi bien la Constitution des Etats-Unis que les lois de l’Etat d’Alabama", a expliqué le juge Don Davis.
Mais "la Cour suprême des Etats-Unis est la plus haute autorité du pays", s’est insurgée Christine Hernandez, avocate d’un couple de lesbiennes de Mobile. "Il n’y a pas de tribunal supérieur devant lequel le juge Davis puisse se tourner".
Signe prometteur
"Malgré tout ce tumulte et les efforts du Chief Justice de bloquer la décision fédérale, le résultat est que les couples de même sexe de l’Alabama peuvent librement se marier", a expliqué à l’AFP l’expert de droit Ron Krotoszynski. Car sept des neuf plus hauts juges des Etats-Unis ont ouvert les vannes des mariages homosexuels dans l’Alabama, au grand dam des autorités de l’Etat qui leur demandaient d’attendre de trancher au niveau national.
"Il y aura probablement encore plus de confusion dans les mois à venir", a prédit le ministre de la Justice de l’Alabama, Luther Strange, en regrettant la décision de la haute Cour. D’autant que cet arrêt semble ouvrir la voie à une légalisation du mariage gay dans tout le pays.
Clarence Thomas, l’un des deux juges suprêmes ayant voté contre cette décision, a observé lui-même que ce "consentement peut fort bien être lu comme le signal de la manière dont la Cour veut résoudre cette question".
Fin avril, la Cour suprême se demandera si le mariage est un droit constitutionnel pour tous les couples, quelle que soit leur sexualité. Sa décision est attendue en juin. "Nous ne saurons pas avant fin juin précisément comment les choses tournent", a résumé M. Krotoszynski. "Mais pour ceux qui croient au mariage pour tous, l’ordre de la Cour suprême peut être vu comme un signe très prometteur".
- SOURCE E LLICO