Pour stigmatiser l’homoparentalité, Bernard Poignant l’a comparée sur son blog à la polygamie. Si le maire n’a pas souhaité préciser son point de vue en répondant à nos questions, certains socialistes n’hésitent pas à recadrer l’élu, en rappelant les positions officielles du parti.
Une fois de plus, la question de l’homoparentalité dépasse les clivages politiques. Courant décembre, le maire PS de Quimper Bernard Poignant (ci-dessus) réagissait sur son blog au projet de loi relatif à la bioéthique. Dans un texte intitulé «Maman, papa, bébé» (à lire ici) celui-ci faisait part de ses réticences sur le sujet délicat de gestation pour autrui. Des réserves partagées par de nombreuses personnalités du PS de Benoît Hamon à Elisabeth Guigou. Mais dans un dernier paragraphe, l’ex-député européen dérape et s’en prend à l’homoparentalité qu’il compare… à la polygamie! «Aujourd’hui chacun vit en couple comme il l’entend. Même la polygamie est présente bien que la loi l’interdise. Et il existerait de 50 000 à 150 000 enfants vivant en France dans des familles polygames sans que personne n’exige une loi pour légaliser ce type d’alliance». Des propos qui, sous la plume d’un ex député socialiste, ont de quoi choquer.
«Egoïsme du présent»
«À mes yeux et quoiqu’il arrive, il se construit dans l’altérité des genres, masculin et féminin, père et mère. Qu’ils soient présents ou absents, parfaits ou imparfaits. Un enfant doit toujours savoir qu’il a ou a eu un père et une mère. Personne ne peut discuter ce fait. Il faut distinguer la pratique sexuelle du fait de l’adoption. Un couple d’hétérosexuels peut adopter un enfant en tant que couple puisqu’il est constitué d’un homme et d’une femme, donc d’un père et d’une mère de substitution. Dans un couple d’homosexuels, seule une des personnes peut adopter car l’enfant doit savoir qu’il ne vient pas de deux pères ou de deux mères. »
Avant de conclure que «Dans tous les cas de figure, c’est de l’enfant dont il faut partir. Le modernisme ne consiste pas à épouser l’égoïsme du présent, mais à se préoccuper des intérêts de notre descendance.»
Profond Malaise
Une maladresse? Pas du tout. Joint par TÊTU, le maire de Quimper n’a pas souhaité répondre à nos questions arguant qu’ «il n’est pas dans (s)es habitudes d’être le commentateur de (s)es propres textes.» Néanmoins il tient à préciser un point: «Je ne fais aucune comparaison entre la polygamie et l’homosexualité. Je prends la première situation comme un exemple pour dire que tout ce qui existe dans la société n’a pas à être traduit dans le droit.» Bien qu’il s’en défende, Bernard Poignant s’amuse pourtant à comparer l’incomparable mettant sur le plan le désir d’enfant de certains couples homosexuels avec le délit réprimé par le code pénal qu’est la polygamie. Des propos qui plongent une partie des militants PS dans un profond malaise.
Karim Ghachem, jeune responsable du PS à Quimper se dit «véritablement gêné par ces propos» et promet d’ouvrir le débat avec les militants socialistes. Jean Jacques Urvoas député de la circonscription de Quimper lui aussi tient à se démarquer des propos de Bernard Poignant dont il a pourtant été l’un des collaborateurs «Personnellement, je ne me reconnais évidemment pas dans la dénonciation du caractère contre-nature de l’homoparentalité» explique-t-il sur son propre blog. «A mes yeux, poursuit-il, l’homoparentalité est un fait social établi dont l’importance ne réside pas dans son aspect quantitatif, mais plutôt dans l’organisation de la place de l’enfant dans notre société. Répondre au projet parental de couples de même sexe participe de l’aspiration à l’égalité des droits car il n’est pas de démarche plus communautariste que celle visant à sanctuariser des droits pour certains et à refuser leur accès à d’autres.»
Question tranchée en 2004
De son coté, Najat Vallaud-Belkacem, chargée des questions de société au Parti Socialiste tient à rappeler au maire de Quimper «que le PS a suffisamment eu l’occasion de faire entendre sa voix sur ces sujets pour qu’on n’ait aucun doute sur ses positions. Il a tranché, dès 2004, un certain nombre de questions (…) «En décembre, le Bureau national du parti a tranché en faveur de l’ouverture de la procréation médicalement assistée par les femmes quelle que soit leur orientation sexuelle. Elle ajoute également qu’«il ne s’agit pas simplement avec ce combat de prendre acte des évolutions des pratiques sociales et des nouveaux modèles de famille (même s’il n’est pas possible de maintenir une législation ostensiblement sourde aux évolutions de la société) mais d’œuvrer pour offrir plus d’autonomie et de liberté individuelle, a fortiori quand les progrès de la science nous le permettent.»
L’association Homosexualité et Socialisme était elle aussi rapidement montée au créneau. Dès le 20 décembre dernier son président, Gilles Bon-Maury, dénonçait les propos du maire de Quimper dans une lettre ouverte: «L’analogie entre le besoin de reconnaissance légale de l’homoparentalité et la situation des familles polygames en France pourrait suffire à ranger cette lettre au rang des outrances que les militants LGBT ont pris l’habitude de mépriser.» En définitive, sur ce sujet, comme sur d’autres, les socialistes peinent à parler d’une seule voix.