Quinze femmes de tous horizons racontent des passages marquants de leur existence dans un livre anglophone émouvant. Elles y parlent notamment de lesbophobie
Bas les masques. Quinze Sud-Africaines féministes confient dans Reclaiming the L-Word pourquoi elles se sentent lesbiennes, pourquoi elles le revendiquent et ce que leur orientation sexuelle leur a coûté. Car même dans la nation Arc-en-ciel -où la constitution garantit les droits des homos- les lesbiennes doivent encore se battre pour être reconnues pour ce qu’elles sont.
En témoignent les violences subies. «En tant que lesbienne, la haine, la violence et la misogynie me suivent où que j’aille. Je suis tombée enceinte après avoir été violée par un homme que je pensais être mon ami. J’ai été tabassée à cause de mon orientation sexuelle, sur l’instigation de personne d’autre que ma mère», raconte Marco P. Ndlovu dans un récit d’abord publié lors d’une action contre la violence basée sur le genre, en 2009.
Climat menaçant
C’est entre autres à cause de ce climat, plus menaçant dans les banlieues noires pauvres (townships), qu’une minorité de femmes ont préféré dissimuler leur identité. Les autres ont accepté de publier leur photo, qui présente souvent un visage souriant – dissimulant un temps les blessures, discriminations ou humiliations, mais soulignant l’humour de certaines. Exemple avec Alleyn Diesel, qui a également édité le livre, sorti le 23 août à Johannesburg.
«Je me suis souvent demandée comment les hommes, l’Autre, me voient. Et bien, cela dépend de qui ils sont, bien sûr. Le gars «moyen» que je rencontre pourrait bien me voir comme non séduisante (jambes poilues!), plutôt inamicale (je ne flirte pas quelque soient les circonstances), manquant d’humour (je suis offensée par les blagues sexistes et galvaudées), impatiente (surtout avec les attitudes macho).»
«J’ai su que ma maman comprenait l’amour»
Très naturellement, plusieurs femmes évoquent le régime raciste, ségrégationniste, sexiste et homophobe de l’Apartheid -instauré en 1948 par la minorité blanche, et totalement aboli en 1991. Ainsi, Alleyn Diesel, Shifra Jacobson et Marco P. Ndlovu partagent des épisodes de leur lutte anti-Apartheid. Addie Linley avoue des préjugés racistes lorsque sa compagne a voulu adopter un enfant noir. Liesl Theron souligne qu’être dans un couple mixte lesbien expose à des «défis» permanents…
Et l’amour dans tout ça? Il est partout. Dans la poésie sensuelle qui ponctue l’ouvrage et dans les récits qui magnifient les femmes, le partenaire d’hier ou d’aujourd’hui, les enfants semi-biologiques ou adoptés, ou famille. Zanele Muholi, qui prépare un projet photo sur les crimes de haine dans les townships, a pour sa part rendu un vibrant hommage à sa mère décédée, qui avait expliqué à une tante que «Zanele ne s’intéresse pas aux hommes». «A partir de ce jour, indique la célèbre photographe, j’ai su que même si ma maman n’avait jamais eu l’opportunité d’avoir une éducation plus poussée, elle comprenait l’amour.»
Reclaiming the L-Word
Edited by Alleyn Diesel
Modjaji Books
Le livre est disponible sur des sites comme Amazon.