Le Parti socialiste se dit favorable non seulement au mariage homosexuel, mais à l’adoption par les couples de même sexe. Que dit le droit actuellement ? Retour sur un ouvrage publié à l’approche de la présidentielle par un magistrat et une avocate, Désirs de familles. Homosexualité et parentalité.
« On avait deux mères, pas deux mères homosexuelles. La question de la sexualité ne s’est jamais posée, comme d’ailleurs, je pense pour les enfants de couples hétéros. Ils ne se figurent pas non plus leurs parents en train de faire l’amour. » Etienne, 37 ans, médecin, marié et père de trois enfants. Patrice et Manuel, eux, élèvent ensemble leur fille de quatre ans. « C’est simple. Pour moi une famille par définition ne peut se concevoir qu’avec des enfants. J’ai toujours eu cette idée. C’est mon histoire espagnole. » Pourquoi sont-ils passés par une mère porteuse, en Ukraine, plutôt que par une adoption ? « Nous, on ne pourra jamais adopter parce qu’on est pacsé. On s’est dit : « Mais pourquoi pas essayer la GPA (gestation pour autrui) ? » » Pour Béatrice, qui vit avec Marion, « être parents homos implique une pression supplémentaire : il faut que leurs enfants soient encore plus normaux que normaux ». Les entretiens qui composent la première partie de l’ouvrage de Serge Portelli et Clélia Richard, Désirs de famille. Homosexualité et parentalité (mars 2012, éd. L’Atelier), racontent un cheminement. Il y a ceux qui étaient déjà parents et ceux qui le sont devenus, ceux qui désirent un enfant, ceux qui se l’interdisent et ceux qui décidément n’en veulent pas.
Pour l’heure, qu’en dit la justice ? Après la sociologie et l’anthropologie (Cf. Couples et familles homos, éd. Autrement, 2008), pionnières sur le sujet, c’est au tour d’un magistrat, vice-président du tribunal de grande instance de Paris, et d’une avocate au barreau de Paris, spécialiste en droit de la famille et adhérente de l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens, de prendre la parole. Pointant l’absence de définition juridique de la famille, ils montrent que ce « vide » ne profite pas au couple homosexuel parental. Lequel vit dans une zone de non-droit. « Le législateur est incapable d’instaurer un débat serein, sérieux et profond sur cette question. La discussion sur la proposition de loi socialiste sur le mariage homosexuel déposée en France à l’Assemblée nationale en juin 2011 en témoigne : la question de la filiation corrélative au mariage n’a pas été posée. » En pratique, plusieurs voies s’offrent aux plus chevronnés qui doivent se montrer prêts à traverser la frontière hexagonale, se faire passer pour ce qu’ils ne sont pas ou inventer un au-delà du couple. La procréation médicalement assistée (insémination artificielle avec donneur pour les femmes ou mère porteuse pour les hommes) est une possibilité, à l’instar de l’adoption et de la coparentalité, partagée avec une personne ou un couple du sexe opposé… Ce dernier cas est « le plus difficile à comprendre, selon le magistrat et l’avocate. Il s’agit d’hommes et de femmes qui ont un projet commun d’enfants, mais qui ne vivent pas ensemble ». Les soucis s’envolent-ils avec l’arrivée du bébé ? Ce serait trop beau. D’autres problèmes surgissent, si le couple se sépare ou que l’un d’eux décède, par exemple.
La droite contre, la gauche pour ? « Les frontières ne sont pas toujours aussi simples à suivre. » Détaillant les arguments des adversaires de l’homosexualité et de l’homoparentalité, du rejet de la religion à l’hostilité de la psychanalyse, l’ouvrage s’arrête en particulier sur un Parti socialiste ambivalent. Certes, des voix dissidentes existent, comme celle de Lionel Jospin, toutefois François Hollande s’est dit favorable non seulement au mariage homo, mais à l’adoption conjointe par les couples du même sexe. La porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem a ainsi rappelé sur TV5 Monde que « d’une certaine façon, le référendum a déjà eu lieu il y a quatre mois, au moment de la campagne présidentielle. Est-ce que nous avons caché notre volonté de vouloir autoriser le mariage pour tous et le droit à l’adoption ? Non, au contraire, nous l’avons mis en avant ». Le Président a également suggéré pendant la campagne la reconnaissance du statut des beaux-parents engagés dans l’éducation d’un enfant sans en être le parent biologique ou adoptif, l’assouplissement des conditions d’accès à l’autorité parentale, l’ouverture de la procréation assistée par donneur anonyme à toutes les femmes, sans discrimination… « Cependant, il n’est pas favorable à la légalisation de gestation pour autrui, mais propose, lorsque des enfants nés d’une GPA légale à l’étranger reviennent en France avec leurs parents, de permettre la retranscription sur les registres de l’état-civil français de leur acte de naissance et de faciliter la reconnaissance du lien parent-enfant », précisent les auteurs. Après l’Angleterre, la Belgique et d’autres voisins, la France devrait donc prendre le chemin de la réforme.
- Source REGARDS.FR