Corinne Carrette dénonce la discrimination homophobe dont elle considère avoir été victime alors qu’elle enseignait au lycée professionnel Doriole
Corinne Carrette, professeur de communication-administrative et bureautique au lycée professionnel Pierre-Doriole, à La Rochelle, n’a pas fait la rentrée scolaire. Elle est, depuis plusieurs mois, en arrêt maladie pour dépression réactionnelle. Cette femme de 45 ans explique que son état de santé est consécutif à l’offensive de déstabilisation et de discrimination à caractère homophobe à l’intérieur même de l’établissement dans le courant de l’année scolaire dernière.
Pour elle, sa stigmatisation, du fait de son orientation sexuelle, remonte avant cela (sa titularisation à Doriole date de septembre 2005). Surtout, elle indique que le point critique a été atteint « dès lors, dit-elle, que le chef d’établissement ne m’a pas soutenu alors que la plainte d’une mère d’une élève qui m’accusait d’agression sexuelle, a été classée par le parquet de La Rochelle. »
Réactions au lycée et au rectorat
Gérald Jezequel, le proviseur du lycée Pierre-Doriole, ne souhaite pas commenter la situation de Corinne Carrette. Il précise : « Il y a des situations qui échappent au chef d’établissement. Sur le plan judiciaire et sur le plan des personnels. » Pour ce dernier point, il renvoie au rectorat et à son DRH. Il ajuste cependant : « Mon souci a été de protéger l’élève [celle dont la mère avait déposé plainte contre Corinne Carrette] et la classe. » À propos de ce qui avait été reproché à l’enseignante, il lâche « 90 % des faits se sont passés à l’extérieur de l’établissement, 10 % est une mésentente entre un professeur et son élève. » Il souligne : « Que chacun reste à sa place. L’enseignant est un pédagogue et un adulte référent. »
Au rectorat, le service communication se refuse à tout commentaire sur ce dossier et sur le refus ministériel de muter Corinne Carrette dans l’académie de Toulouse.
« Pas d’infraction pénale »
La plainte avait été déposée au commissariat de La Rochelle en janvier 2011. À la suite de l’enquête très approfondie de la brigade des mineurs, la magistrate concluait, en mars, que « l’examen de cette procédure ne justifie pas de poursuite pénale au motif que les faits ne constituent pas une infraction pénale. »
Corinne Carrette n’avait eu de cesse de dire : « Cette élève avait fait un transfert sur moi, ce qui l’avait conduit à me harceler ». L’enseignante, déjà en arrêt maladie « du fait de la violence de cette épreuve », soufflait un peu tout en sachant que les rumeurs la concernant n’étaient pas pour autant stoppées, y compris dans le lycée. « J’ai surtout regretté que le proviseur maintienne dans ma classe l’élève en question. Ce qui revenait à dire que j’étais coupable de quelque chose. »
Une autre enquête
L’affaire était relancée en juin par deux anciennes élèves du lycée professionnel, dont l’une avait été l’élève de Corinne Carrette. Le registre d’accusation est le même mais sans plainte. Le parquet de La Rochelle est saisi et diligente une enquête. « J’ai été entendue le 15 juin au commissariat », se souvient l’enseignante. L’affaire se solde de la même manière que la première : « classement sans suite ».
« J’ai eu des témoignages de soutien là encore mais je suis aussi convaincue que des personnes, dont des collègues, sont allées contre moi. » Corinne Carrette dénonce « ces calomnies » et espère en savoir plus sur leurs auteurs dès lors que son nouvel avocat (1) Me Alexandre Delord, du barreau de Montauban (2), aura récupéré le dossier d’instruction.
Au rectorat, où elle est reçue le 17 mars, elle n’a de cesse de demander son affectation dans l’académie de Toulouse (d’où elle est originaire), considérant que la situation qui lui a été faite à La Rochelle la met en porte-à-faux dans l’académie de Poitiers. En juillet 2011, le ministère de l’Éducation nationale refuse sa demande d’affectation, pourtant soutenue par le médecin conseiller technique du rectorat et l’avis très favorable académique. Le coup est dur et incompréhensible pour Corinne Carrette.
Depuis, elle a décidé de contre-attaquer : « Je vais poursuivre toutes les personnes qui m’ont porté préjudice. » Le professeur a aussi saisi le délégué de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) du Tarn-et-Garonne « afin d’engager toutes les démarches utiles et faire reconnaître que j’ai été victime d’une discrimination homophobe ».
Sans se prononcer sur le fond, le délégué des droits dit de ce dossier qu’il est « exemplaire » et l’a transmis à Paris afin qu’il soit « étudié par des spécialistes de différents domaines. »
(1) Le premier conseil de Corinne Carrette était Me Christelle Fournier du barreau de La Rochelle. (2) Ville où vivent les parents de Corinne Carrette.
- Source SUD OUEST de Eric Chauveau Photo XAVIER Léoty