Un bras de fer est engagé entre majorité et exécutif pour inscrire à l’agenda 2019 l’ouverture de la PMA, comprise dans la vaste et très sensible loi bioéthique, alors que le Premier ministre doit préciser mercredi 12 juin le calendrier des réformes à venir.
Ce sera un passage particulièrement scruté de la déclaration de politique générale que prononcera Edouard Philippe devant l’Assemblée pour détailler la feuille de route gouvernementale: quand donc sera examinée l’extension de la procréation médicalement assistée aux couples de lesbiennes et aux femmes seules, une promesse électorale du candidat Macron ?
Alors que l’Assemblée est confrontée à un embouteillage législatif, avec "une dizaine de gros textes à venir" selon le décompte du ministre chargé des Relations avec le Parlement Marc Fesneau, des priorités vont devoir être établies pour 2019.
Relayant la demande notamment des associations militantes, une partie de la majorité s’inquiète que la PMA en fasse les frais, même si le projet de loi bioéthique est prêt et sera présenté fin juillet en Conseil des ministres par Agnès Buzyn.
Emmanuel Macron s’est jusqu’alors peu avancé sur les sujets de société, et le chef du gouvernement, issu de LR, a été "longtemps contre" une ouverture de la PMA, avant de s’y dire "plutôt favorable".
"J’essaye de faire comprendre à quel point ce sujet déjà décalé est très attendu, donc urgent. Qu’on ne diffère pas davantage", lance auprès de l’AFP le député LREM Jean-Louis Touraine, rapporteur d’une mission sur le sujet qui milite pour "au moins une première lecture avant la fin de l’année".
"C’est une promesse de campagne, elle est attendue par bon nombre de femmes. Je souhaite que l’on ne traîne pas", abonde le patron de La République en marche Stanislas Guerini qui, comme d’autres figures de la majorité (le président de l’Assemblée Richard Ferrand, le patron des députés LREM Gilles Le Gendre, la présidente de la commission des Affaires sociales Brigitte Bourguignon…) pousse pour un examen rapide.
"Il y a un gros rapport de forces entre ceux qui veulent être les garants de la promesse du président de la voter en 2019 et ceux qui se foutent de la PMA", décrypte un député, tenant de l’aile gauche. Tous les "marcheurs" n’ont pas une opinion arrêtée sur le sujet, mais les opposants fermes comme Agnès Thill sont rares.
Ne pas faire du Hollande
Pour ce même parlementaire, voter "la PMA permet d’envoyer un signal à la gauche" avant les municipales de mars 2020, alors que le scrutin des européennes a mis en exergue la désaffection d’une frange importante de l’électorat de centre-gauche qui avait pourtant voté Macron en 2017.
"La PMA est un marqueur qui nous différencie dans l’offre politique, et on n’en aura pas 36.000 au niveau sociétal", relève un député LREM de Paris.
A l’inverse, certains plaident pour temporiser, afin de ne pas brusquer le débat autour d’un texte large qui comprend en outre "les tests génétiques, les thérapeutiques par greffe ou cellules souches, l’intelligence artificielle pour le diagnostic thérapeutique", détaille Jean-Louis Touraine. Or le calendrier automnal de l’Assemblée est largement phagocyté par les débats budgétaires, laissant peu de fenêtres de tir.
"Je ne suis pas sûre qu’on fasse honneur à un sujet aussi complexe" en lui accordant aussi peu de temps, soulignait en mars Amélie de Montchalin, avant son entrée au gouvernement. "Si on ne veut pas faire du Hollande sur le sujet, comme avec le Mariage pour tous, il faut du temps", appuie un ministre, prévenant qu’il ne fallait pas en faire "un étendard de l’aile gauche", au risque de crisper.
Un argument récusé par les plus allants, pour qui le consensus chez les Français s’est fait via des Etats généraux de la bioéthique en 2018. "J’observe par ailleurs que les positions des membres des Républicains ont radicalement mais positivement évolué en l’espace de deux semaines", note aussi Brigitte Bourguignon.
Après la déroute aux européennes, le porte-parole de LR Geoffroy Didier a ainsi épinglé le "conservatisme sociétal" de LR, invitant la droite à "se poser au moins la question de l’ouverture de la PMA".
- SOURCE E LLICO