La jeune auteure et actrice sud-africaine Noxolo Tshabangu a choisi de briser les clichés sur l’homosexualité. Elle présente sur scène un portrait sans tabou d’un amour entre deux femmes.
«Intéressant, drôle, audacieux…». Le public qui vient d’assister à la représentation de Loving Lulu (photo), au Market Theatre de Johannesburg, paraît enthousiaste. La programmation de cette pièce, mettant en scène une relation lesbienne, arrive alors que le meurtre d’une jeune homo sud-africaine vient, une nouvelle fois, de rappeler l’homophobie qui gangrène encore le pays (lire notre article).
«Il y a trois ans, j’écoutais la radio dans ma voiture et j’ai entendu que le procès des meurtriers d’une lesbienne, violée et tuée près du Cap, avait été une nouvelle fois reporté», raconte Noxolo Tshabangu (en photo ci-dessous), qui a co-écrit la pièce avec Bruce Koch et y joue l’un des rôles principaux. Cette jeune femme noire de trente ans n’a pas grandi dans un township mais dans une banlieue aisée du nord de Johannesburg, où afficher son homosexualité est plus facile. «Pour moi, les viols correctifs, les meurtres de lesbiennes, ça ne faisait pas partie de mon univers. Je ne savais même pas que ça existait.» Ce soir-là, elle se dit qu’elle «doit faire quelque chose».
Une histoire d’amour
De là, après trois ans de travail, naîtra Loving Lulu, l’histoire d’une jeune femme hétéro sur le point de se marier qui tombe sous le charme de sa prof de gym homo. Une pièce pleine d’humour, de légèreté et de sensualité, avec quelques-scènes assez osées pour un public sud-africain souvent plutôt prude.
«Au début, nous voulions faire une pièce militante, qui parlerait des difficultés rencontrées par les lesbiennes, de la défense de leurs droits…», explique Noxolo Tshabangu. «Et puis finalement, je me suis rendu compte que j’avais envie d’écrire une histoire d’amour. Une histoire qui dirait qu’il est naturel de s’aimer, et que l’amour peut prendre différentes formes.» Pas de victimisation, mais une mise en avant de la liberté de choix.
Tension dans la salle
L’auteure ne prétend pas «changer le monde» avec cette pièce, mais «pousser les gens à s’interroger, à tester leur réel niveau d’acceptation». A ceux qui affirment qu’elle prêche devant un public convaincu en présentant ce spectacle au progressiste Market Theatre, elle répond que «l’homophobie ne se cantonne pas aux townships».
«Certaines personnes prétendent qu’elles acceptent les gays mais ont encore beaucoup de préjugés», dit la jeune femme. «Ma mère, par exemple, s’était toujours montrée ouverte sur le sujet de l’homosexualité. Mais quand j’ai fait mon coming out, elle a très mal réagi. Elle ne voulait pas de ça dans sa famille».
Lorsque, sur scène deux actrices s’embrassent à pleine bouche, une légère tension est perceptible dans la salle. Mais Noxolo semble avoir atteint son objectif. «On peut s’identifier à cette histoire», dit Tsolofelo Lerumo, un spectateur de 27 ans qui précise qu’il est «100% hétéro». «L’homme qui se fait quitter, je comprends ce qu’il ressent. Et en même temps, on ne peut pas vraiment en vouloir à la femme. Je m’attendais à quelque chose d’assez dramatique et j’ai trouvé ça amusant et différent de ce que l’on voit d’habitude. J’ai apprécié la manière d’aborder ce sujet plutôt sensible».