« Allons, allons, un peu de courage », « Ne tournons pas en rond », « Soyons subtils ! », « Chacun est libre de tenir les propos qu’il veut mais chacun a le devoir de les assumer ! » En maniant souvent l’ironie et plus encore l’insistance, le président de la 17e chambre correctionnelle du palais de justice de Paris, Alain Bourla, aura voulu pousser Christine Boutin dans ses retranchements.
L’ancienne présidente du Parti chrétien-démocrate et ex-ministre était poursuivie vendredi pour incitation et provocation à la haine et à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur orientation sexuelle. Les propos visés avaient été tenus dans une interview accordée à la revue Charles, parue le 2 avril 2014, et dans laquelle la pourfendeuse du pacte civil de solidarité (pacs) puis du mariage pour tous juge que « l’homosexualité est une abomination ». A la barre, Christine Boutin a expliqué ne pas avoir « changé d’avis ». « Mais ceci ne veut absolument pas dire que je condamne les personnes homosexuelles », a t-elle voulu défendre. « Je ne pensais pas blesser avec ce mot. Depuis, je ne l’ai pas redit. »
Christine Boutin est rapidement apparue faible en arguments, se retranchant tantôt derrière l’esquive (« je ne sais pas » ; « je ne répondrai pas à cette question » ; « je peux peut-être m’arrêter ? » ; « je vois bien que vous voulez me mettre en difficulté »), tantôt derrière une rhétorique biblique (ses propos ayant été repris du Lévitique). A contrario, le tribunal a exhumé une liste d’autres déclarations tendancieuses sur le sujet.
Devant une salle d’audience pleine et qui leur était acquise, les avocats des associations parties civiles, l’Inter-LGBT, le Refuge et Mousse, ont pu dérouler leurs plaidoiries. Avant que le parquet ne requière, sans hésiter, la condamnation : « Nous ne sommes pas dans la simple expression d’une opinion, c’est une stigmatisation publique. » Le procureur a rappelé que la loi qui condamne l’incitation à la haine en raison de l’orientation sexuelle ne date que de 2004. « Il n’y a pratiquement pas de jurisprudence, c’est la raison pour laquelle votre décision est attendue », a t-il rappelé aux juges, qui rendront leur décision le 18 décembre.
- SOURCE LE MONDE