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 d’ADHEOS

DÉBAT. En s’attaquant à Montpellier, «Action discrète» est-elle allée trop loin? Des humoristes de Canal+ et le président de la LGP Montpellier expliquent leur position à TÊTU sur le sujet «chaud» du moment.
 
Cinq jours après la diffusion de l’émission, l’affaire que l’on pourrait appeler «Action discrète contre la ville de Montpellier» (lire notre article) est loin d’être terminée. Hier, on apprenait que la police judiciaire de Montpellier ouvrait une enquête suite aux plaintes des associations Lesbian & Gay Pride Montpellier et le Collectif contre l’homophobie. Tandis que le CSA décidait d’écrire à Canal+ «pour demander de plus amples explications», à la fois sur la perturbation éventuelle de la campagne de Georges Frêche pour les élections régionales, et par souci «déontologique», celui de ne pas avoir prévenu les victimes qu’elles étaient victimes d’un canular. Après avoir lu l’article de TÊTU et ses commentaires – très partagés –, le président de l’association LGP Montpellier et l’équipe d’Action discrète ont tenu à apporter des précisions aux TÊTUnautes, pour mieux se faire comprendre dans ce débat très «chaud». Le point sur leurs arguments.
 
Les victimes pas alertées du canular
Vincent Autin, président de la Lesbian & Gay Pride Montpellier (photo): Action discrète ne peut pas le savoir, mais le matin même de leur tournage dans les rues de Montpellier, nous étions en conférence de presse sur l’agression au marteau de deux gays. Quand on a appris que des faux militants de Georges Frêche injuriaient tout le monde, on a été émus et on s’est mobilisés tout de suite. Leur sketch visait Frêche mais pour cela, ils ont pris en otage des individus. Ils ont allumé un incendie puis se sont barrés. Les gens ont été choqués.» Sébastien Thoen, animateur d’Action discrète, s’explique: «On espère qu’on n’a traumatisé personne. Si on l’avait senti, on serait revenu s’excuser. Quand on est sorti du bar lesbien, on était hyper contents de la réaction des clientes et de la barmaid, qui était géniale. On s’est dit que quand elles verraient le sketch, elles allaient comprendre. On n’a pas pensé qu’entre le tournage et la diffusion, elles auraient accusé le coup et auraient pu être déprimées. On regrette de ne pas avoir prévenu les gens.»
 
Le nom du bar lesbien n’est pas flouté
Ce point fait consensus: en ne floutant pas le nom du Velvet, le bar lesbien de Montpellier où la dernière séquence du sketch est tournée, Canal+ a rendu la tenancière, que l’on voit réagir, facilement identifiable bien que son visage soit masqué. «On aurait dû le faire, c’est vrai…» reconnaît Sébastien Thoen.
 
Deux autres bars homos visés à Montpellier
«La LGP a recueilli sept témoignages directs. Les membres d’Action discrète se sont rendus dans deux autres bars avec des propos bien pires que ce que l’on entend à l’antenne.» «Avant d’obtenir dans le bar lesbien la réaction que l’on cherchait à provoquer, on avait fait deux bars gays. Ce n’était pas très sympa. Dans le premier, on n’a eu droit qu’à une molle réaction: ‘‘Ne dites pas pédés, mais homosexuels’’, et dans l’autre, ‘‘je vais voir avec le patron’’. Si on avait été contents de leur réaction, on les aurait montrés à l’antenne. Mais il semble qu’il y ait une forte emprise de Frêche sur la communauté montpelliéraine, parce que personne dans ces lieux n’a osé faire une remarque à ses (pseudos) militants!»
 
Le cas Georges Frêche
Déclencheur de l’idée du sketch, le «style» du président du Conseil régional de Languedoc-Roussillon a fourni la matière première aux humoristes, qui ont cherché à le caricaturer. «A la base, on voulait critiquer son discours et ses propos, qui eux, sont vraiment scandaleux» dit Pierre Samuel, autre membre de la troupe d’Action discrète. «Et pour grossir le trait, on est allé voir ce qui se passerait si on s’attaquait à d’autres communautés.» Mais Georges Frêche lui-même a-t-il déjà lancé des propos homophobes? «Pas du tout, assure Vincent Autin. Il a toujours soutenu les homosexuels. Jeudi soir, avant que l’on sache qu’il s’agissait d’un canular, il nous faisait passer un courrier dans lequel il réaffirmait sa solidarité avec les homos, alors que de faux militants avaient tenu des propos injurieux.»
 
Indépendantes, les associations ?
«Le président du Collectif contre l’homophobie est un proche de Frêche, ce n’est donc pas par hasard qu’il porte plainte contre nous», contre-attaque Sébastien Thoen. L’intéressé, Hussein Bourgi, dément ces accusations et précise qu’afin d’être impartial dans cette période troublée en Languedoc-Roussillon, il n’est membre «d’aucun comité de soutien et ne fait campagne pour aucune liste, bien que j’aie reçu plusieurs propositions.»
 
Le trouble du téléspectateur
«A aucun moment il n’y a eu d’avertissement pour signaler au téléspectateur que les propos ne sont tenus que dans le cadre d’un canular, qu’il sont condamnables par la loi. Les adultes comprennent le message comique, mais des ados devant leur télé peuvent ne pas comprendre», regrette Vincent Autin. Des propos qui font bondir Pierre Samuel. «Tu ne peux pas être responsable du degré avec lequel les gens vont prendre les choses! Nous, on est affiché comme émission satirique, on ne peut pas davantage prévenir les gens… Cette critique est simplement de la mauvaise foi.»
 
Peut-on s’attaquer à Canal+?
«C’est dommage que nous, on soit victimes d’attaques, alors qu’on voulait justement tacler l’homophobie», disent les animateurs d’Action discrète. Les associations, qui rappellent qu’elles ont porté plainte contre X avant même savoir que c’était un sketch, le reconnaissent. «Tout le monde nous reproche d’attaquer Canal+, dit Vincent Autin. Une plainte contre X, alerter le CSA, les gens comprennent. Mais s’en prendre à Canal+, non. On sait que Canal+ est gay friendly, mais tout le monde a le droit de se tromper dans sa façon de parler. Mais retournons la question: si c’était TF1 qui avait diffusé ce sketch, y aurait-il autant de gens pour les défendre? Il se trouve que c’est Canal+, et nous en sommes désolés. Nous avons reçu plusieurs courriers d’insultes de personnes qui ne comprennent pas notre démarche.»
 
Droit à la satire
«On s’est posé beaucoup de questions en interne, mais au final on a l’impression d’être pris dans un engrenage, dit Vincent Autin. On avait porté plainte contre X et des gens avaient été réellement choqués par le canular. On ne peut pas aller leur dire, on ne peut rien faire maintenant qu’on sait que c’est Canal+, on arrête toutes les démarches!» En face, Sébastien Thoen réclame «une licence satirique, un droit à la caricature. Surtout qu’on n’était pas loin du vrai discours de Frêche, on avait un vrai truc à dénoncer. Et le principe de l’émission, c’est de ne rien s’interdire tant que ça nous fait marrer. Maintenant, si le CSA nous envoie une demande d’explications, on espère qu’il n’oubliera pas de passer un coup de fil à La Ferme Célébrités!»
 
Photos: DR.