Jamais interpellés jusqu’alors, casiers judiciaires vierges, le tribunal correctionnel de Paris a vu défiler jeudi des jeunes gens insérés socialement, poursuivis pour de jets de canettes sur les forces de l’ordre après la dispersion de la manifestation dimanche à Paris contre le mariage homosexuel.
Au même moment à Montpellier, Vincent et Bruno se disaient «oui» lors du premier mariage homosexuel en France. Mais à 750 km de là, à Paris, dans le box des prévenus, des jeunes gens d’une vingtaine d’années, étudiants ou en stage, ont exprimé leurs regrets de s’en être pris aux forces de l’ordre et leur sentiment de ne pas avoir été entendus.
Dans la soirée, un prévenu a été condamné à quatre mois de prison avec sursis et deux autres à 30 jours amende à 10 euros (peine dans laquelle les jours non payés sont convertis en jours de prison).
Le tribunal a prononcé une relaxe dans un dossier, la nullité de la procédure dans un autre.
La procureur avait requis de peines d’emprisonnement avec une partie ferme allant de deux à cinq mois.
Après avoir visionné des images des violentes échauffourées de dimanche soir, le tribunal a entendu Pierre-Marie, titulaire d’un master de communication politique et stagiaire dans une maison de disque.
Barbe et lunettes, la mine contrite, le jeune homme de 24 ans «regrette» d’avoir jeté cette canette vide qu’il aurait «mieux fait de jeter dans la poubelle» que vers les forces de l’ordre. Un geste qu’il a imputé à un cocktail de «fatigue», d’alcool, mais aussi à «l’euphorie» et «l’effet de masse».
Il a assuré n’être pas venu à la manifestation pour «casser du CRS». «Je n’ai rien contre les forces de l’ordre», qui sont des pères et des mères de familles, a-t-il dit.
Sur procès verbal, il a déclaré ne pas vouloir s’en prendre aux fonctionnaires mais aux «institutions gouvernementales».
Jennifer, 19 ans, pleure
Vient le tour de Quentin, même look, étudiant vendéen de 26 ans en sciences politiques, qui passe des concours administratifs.
Il avait été interpellé en possession de sérum physiologique, «en prévision d’une confrontation avec la police».
Peu bavard devant le tribunal qui n’a eu de cesse de rappeler que les prévenus sont jugés non pour un quelconque délit d’opinion mais pour des infractions pénales, son avocat est monté au créneau.
«Il y a eu un mépris depuis le début, de ceux qui s’opposaient à cette loi», a plaidé Me Jérôme Triomphe, qui a produit une vidéo montrant un policier relançant vers les manifestants une bouteille en verre qui avait atterri à ses pieds .
Bien que la présidente Isabelle Pulver lui rappelle qu’«il ne faudrait pas que ce tribunal soit transformé en tribune», il a dénoncé un contexte de «terreur policière».
«Ceux là ont le sentiment d’être méprisés, réprimés car il ne pensent pas comme le gouvernement», a-t-il poursuivi, se faisant le porte-parole des prévenus.
En marge de l’audience, Me Triomphe a annoncé qu’il préparait avec une trentaine d’autres avocats un plainte pour «arrestations arbitraires», allant jusqu’à parler de «dictature», d’«Etat policier» et même de «rafle».
L’avocat, dont le client a été condamné à 30 jours amende, s’est félicité que le tribunal ait «redonné un peu de mesure à ces poursuites odieuses marquées par l’acharnement», dont témoignent selon lui les réquisitions «ubuesques» du parquet.
En sage marinière, Jennifer, 19 ans et en capacité de droit à la faculté parisienne d’Assas, a les yeux rougis par les larmes. Elle s’est «laissée aller à l’ambiance générale». «C’était hostile, c’était violent», des deux côtés, a-t-elle dit.
Plusieurs manifestations à son actif, elle aussi a dit son sentiment de ne pas avoir été entendue par le gouvernement.
Le tribunal a également jugé un jeune homme interpellé avec des fumigènes, ainsi qu’un élève versaillais de première, blessé lors de son interpellation et accusé d’avoir porté des coups de pieds à un policier.
- Source LIBERATION