Le rectorat de Clermont-Ferrand avait initialement déplacé une enseignante victime d’homophobie dans une autre école pour la « protéger ». Mais cette dernière voulait rester dans son village du Cantal. Elle vient d’obtenir gain de cause. La gendarmerie, elle, enquête sur les menaces à répétition dont elle est la cible depuis plus de six mois.
Une histoire qui finit bien ? Comme l’a raconté dans le détail Marianne, ce mardi 23 juillet, Caroline G., une enseignante de l’école primaire du village de Moussages (Cantal) est victime d’injures homophobes et de menaces de mort : « Sale gouine », « gouine = pédophile », « va crever, sale gouine » et encore « Dégage la gouine ». Autant de messages écrits sur les murs de l’école ou reçus dans sa boîte aux lettres entre décembre 2023 et juin 2024. Elle est mariée depuis des années avec une femme et visiblement, pour un habitant (ou plusieurs ?), son homosexualité ne passe pas. Les gendarmes sont à pied d’œuvre pour identifier le ou les corbeaux qui s’en sont également pris à la mairie. Et l’enseignante a, bien sûr, porté plainte et obtenu la protection fonctionnelle du ministère de l’Éducation nationale.
Bouleversée par ces inscriptions, Caroline G. est mise « à plusieurs reprises » en arrêt maladie pendant l’année, de façon « perlée », raconte le rectorat de Clermont-Ferrand qui a eu recours à une remplaçante. Fin juin, la directrice académique demande à Caroline G. si elle souhaite, malgré tout, à la rentrée scolaire de septembre, rester à Moussages ou être affectée « momentanément » sur un autre poste, dans un autre village, en tant que remplaçante. Cette dernière « affirme alors vouloir rester dans l’école du village de Moussages », indique Thierry Pajot, secrétaire général adjoint du syndicat des directeurs et directrices d’école.
Un état de santé incompatible avec ce poste
Après deux consultations, le médecin du rectorat, sollicité mi-juillet, s’oppose au retour de l’enseignante dans l’école de Moussages, considérant dans un message très ferme que l’état de santé de la fonctionnaire n’est plus compatible avec ce poste. Il évoque avec elle soit un changement d’affectation provisoire, soit une mise en « arrêt pour accident de service » le temps que les choses se tassent, ce qu’elle ne veut pas. Elle souhaite continuer à travailler. Dans la foulée, le 18 juillet, Carole G. reçoit un courrier de la direction académique l’informant d’un déplacement « pour sa protection ». Elle est nommée sur un poste de remplaçante dans une autre école primaire du Cantal mais « trois fois plus loin » de chez elle, a-t-elle fait savoir, écœurée, dans son entourage et au syndicat qui la soutient.
Au rectorat de Clermont-Ferrand, on affirme que dans un premier temps, Caroline G. s’était en réalité « laissée convaincre » par son inspectrice d’accepter l’autre poste « momentanément », le temps que l’enquête de gendarmerie s’achève et que l’auteur des faits soit retrouvé « car elle reste toujours titulaire du poste de Moussages. Il lui est réservé ». Mais qu’elle a tout dernièrement changé d’avis. « Ce déplacement n’était pas une sanction. Il s’agissait pour nous de la protéger. Nous avons suivi l’avis émanant du médecin du travail, très inquiet pour l’enseignante. En tant que responsable hiérarchique, nous devions en tenir compte », fait-on valoir au rectorat où l’on se défend de toute pusillanimité dans cette affaire et où l’on assure que les différents membres de l’administration se sont « démenés » pour trouver une solution dans cette affaire délicate.
Un rendez-vous dans les prochains jours
À Thierry Pajot, le secrétaire général du syndicat des directeurs d’école, l’enseignante a confié ce week-end « ne pas avoir peur et être plus que jamais déterminée à rester à Moussages ». Caroline G. vit comme une « injustice ce déplacement. Un peu comme les élèves harcelés que l’on change d’école. C’est une double peine », s’est-il insurgé. Après l’article de Marianne, le rectorat, nous a assurés, dans l’après-midi du 23 juillet, que l’enseignante allait être reçue par la direction académique « dans les prochains jours » pour lui proposer finalement de conserver son poste à Moussages.
« Si elle confirme vouloir absolument rester, ce sera possible. Même si le médecin du travail est d’un avis contraire. Nous ne pouvons forcer quelqu’un à partir même si nous pensions l’avoir convaincue que c’était mieux pour elle de partir », nous dit-on. « L’enseignante dit aujourd’hui qu’elle va bien mais le médecin n’est pas convaincu. Le fait qu’elle ait multiplié les arrêts maladie – ce qui peut très bien se comprendre – pouvait faire penser qu’il était mieux pour elle de s’éloigner du village. Il n’y a pas de situation idéale », insiste-t-on au ministère de l’Éducation nationale.
Source : marianne.net