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 d’ADHEOS

Le Vietnam communiste, où l’homosexualité a longtemps été vue comme un "fléau social", réfléchit désormais à de nouvelles lois qui propulseraient le pays à la pointe des droits des homosexuels dans une Asie dominée par les valeurs traditionnelles et où la sodomie reste illégale dans plusieurs pays.
 
Signe le plus visible d’un tabou qui s’estompe, une centaine de vélos décorés de drapeaux arc-en-ciel ont sillonné dimanche les rues de Hanoï lors de la première gay pride vietnamienne, criant leur soutien au mariage homosexuel.
 
L’an prochain, les députés doivent amender la loi sur le mariage et la famille, et le ministre de la Justice a récemment indiqué qu’ils pourraient envisager d’y faire pour la première fois une place aux couples homosexuels.
 
Si selon les experts, l’Assemblée nationale ne devrait pas aller jusqu’à légaliser le mariage entre personnes du même sexe, elle pourrait autoriser une forme d’union civile, ou créer certaines protections légales pour les couples vivant ensemble ou voulant adopter des enfants.
 
"Aucun pays en Asie du sud-est, même la Thaïlande, n’a mis le mariage homosexuel au menu de discussions officielles, alors c’est une surprise pour beaucoup de gens", commente le sociologue Le Quang Binh.
 
Régulièrement montré du doigt pour son bilan en matière de violations des droits de l’Homme, le régime à parti unique semble un défenseur improbable de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bi, trans).
 
Mais "le Vietnam est un cas à part", note Binh. Contrairement à la Malaisie, l’Indonésie ou les Philippines, il n’y a pas de puissants groupes militant contre les droits des homosexuels pour des raisons religieuses, souligne-t-il.
 
Les homosexuels vietnamiens doivent malgré tout faire face à la pression sociale, explique Le Huong, 22 ans, qui n’a pas dit à sa famille qu’elle était lesbienne.
 
"Je me sens très coupable. Je ne me sens pas coupable parce que je suis tombée amoureuse d’une fille, mais je me sens coupable parce que je ne peux pas être honnête avec ma mère", indique la jeune femme, dont le nom et celui de sa petite amie ont été changés.
 
L’homosexualité n’est pas illégale mais dans un pays où domine la morale confucéenne, qui insiste sur tradition et famille, elle a longtemps été tabou.
 
La petite amie de Huong, Nguyen Thi Hoa, n’a pas non plus fait son "coming out", de peur que sa famille ne soit montrée du doigt par ses voisins et amis qui considèrent l’homosexualité comme une maladie.
 
Mais les deux femmes espèrent un amendement de la loi sur le mariage pour changer cette situation, et leur permettre d’adopter un enfant.
 
"Mis à part l’adoption d’un enfant, seul le mariage peut être une reconnaissance et une preuve d’amour. Quand j’aurai un acte de mariage (je pourrai) prouver qu’il n’y a rien de mal à mon amour", insiste Hoa.
 
Signe d’un début de changement des mentalités dans certaines parties d’Asie du sud-est, Birmanie et Laos ont vu cette année aussi leur première gay pride. Et à Singapour, où les relations sexuelles entre hommes sont illégales mais la loi rarement appliquée, 15.000 personnes ont récemment manifesté pour la tolérance.
 
"La dynamique est similaire (à Singapour et au Vietnam). Les droits des homosexuels ne sont pas perçus comme une menace" pour le système politique, estime Phil Robertson, de Human Rights Watch.
 
Ces dernières années, la presse vietnamienne très contrôlée a ainsi pu évoquer les droits des homosexuels, et même couvrir plusieurs cérémonies symboliques de mariage gay.
 
Pour Binh, l’amendement de la loi est surtout envisagé comme une réponse pragmatique à l’augmentation du nombre de couples homosexuels vivant ensemble. Mais quelle que soit la motivation, le résultat sera positif, assure-t-il.
 
"Quand les gens acceptent la différence en matière d’orientation sexuelle, ça peut être plus facile pour eux d’accepter d’autres différences, comme la religion, les croyances, l’ethnicité".