L’offre pouvait paraître irréelle : un triplex de 173 m² meublé, refait à neuf, avec une grande terrasse, pour cinq étudiants dans le 15e arrondissement de Paris. Le tout pour un loyer oscillant entre 450 et 550 euros, hors allocations logement. Qui, parmi les 325 000 étudiants de la capitale, refuseraient d’y poser ses valises ?
L’annonce postée mi-juillet sur la centrale de logement étudiant Lokaviz a fait fureur : 80 candidats ont postulé en une semaine.
Roxane, Mathilde, Selma, Nadia et Adam sont les heureux locataires de l’ancien appartement de Frigide Barjot, à deux pas du Champ-de-Mars et de la tour Eiffel, rue de la Fédération. L’ex-chef de file de La Manif pour tous et sa famille avaient quitté en octobre 2014 ce logement social de la mairie de Paris, après une décision de justice. Le tribunal d’instance du 15e arrondissement avait ordonné l’expulsion estimant qu’elle et son mari, Basile de Koch, domiciliaient illégalement une activité commerciale dans les locaux loués, celle de la société Jalons.
« C’est sûr qu’aujourd’hui, on n’a plus honte d’inviter nos amis », s’amuse Selma qui louait auparavant pour 650 euros un studio de 20 m² dans le 16e arrondissement. Ici, il y a une salle de bains à chaque étage, des chambres de 15 à 25 m², des espaces communs lumineux et spacieux, et surtout, une grande terrasse au 5e, l’étage intermédiaire. « Ma plus grande surprise ? C’est la place. Je m’en remets à peine. » L’étudiante, native de Tunis, déboursera un peu moins de 400 euros, une fois les allocations logements déduites.
« Comme un touriste »
Adam, le seul garçon (et le plus jeune), soufflera sa dix-huitième bougie en décembre. Il vient de quitter Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) pour rejoindre Science Po. « Quand on a vu cette opportunité avec mes parents, on a foncé. Encore plus en sachant que c’était l’ancien appartement de Frigide Barjot », ironise-t-il. Un de ses nouveaux amis est venu la semaine dernière. « Il était impressionné », raconte Adam, qui se sent « encore comme un touriste ».
Justement, la mairie ne veut plus que ces étudiants se considèrent comme des touristes mais comme des habitants à part entière. « C’est un symbole que de redonner ce logement social à des étudiants. On veut distiller un peu de mixité dans les quartiers de Paris », indique Ian Brossat, conseiller (PCF) de Paris et adjoint à la maire de Paris chargé du logement.
Quasi inexistantes il y a quelques années, les colocations étudiantes figurent en tête de la stratégie de Régie immobilière de la ville de Paris, qui a investi 75 000 euros pour restaurer le triplex. Ces trois dernières années, ce bailleur social a ouvert « une petite soixantaine de logements », selon le directeur général, Serge Contat, soit « près de 250 places ». En général dans de grands logements auxquels les familles ont du mal à accéder financièrement. Le parc social parisien dispose au total de 200 logements en colocation, soit environ 800 étudiants et jeunes travailleurs.
Pendant ce temps, Adam et Selma tentent d’organiser leur nouveau quotidien. « Les premiers jours, on faisait nos courses ensemble. Mais à partir de maintenant, on va essayer de faire chacun notre vaisselle et nos courses », lance-t-elle l’air sérieux.
- SOURCE LE MONDE