Arrivé en Gironde en 2007 et pacsé avec son amoureux, français, Achraf demande sa régularisation depuis l’été dernier. Aujourd’hui, il n’a pas de papiers qui lui permettent de séjourner légalement en France et son retour en Tunisie constitue un risque. Il témoigne.
Il y a quatre mois, Achraf, Tunisien de 24 ans (à gauche sur la photo), déposait une demande de régularisation auprès de la préfecture de la Gironde. Pacsé avec son compagnon français (à droite), il témoigne aujourd’hui au grand jour, faisant le choix courageux de donner un visage à la situation complexe que vivent souvent les jeunes immigrés qui ont choisi la France pour fuir la persécution des homosexuels et dont la régularisation relève du parcours du combattant.
«Je suis arrivé en France en 2007, à la faveur d’un visa étudiant. En toute régularité, donc. J’avais à l’époque choisi de venir à Bordeaux pour étudier l’architecture. Mais surtout, je voulais fuir la Tunisie, la terre de mon enfance. Ce pays où ma famille, une fois mon homosexualité révélée, a choisi de couper toute relation avec moi. De m’abandonner. Ce même pays où intimidations et violences ont rendu ma vie quotidienne d’homo insupportable. Ce même pays où quatre barbus ont tenté, une nuit, de me faire renoncer à mon orientation sexuelle, en me séquestrant, un couteau sous la gorge…», commence-t-il.
Pacsé depuis l’été dernier
En 2007, Achraf faisait donc route vers la France, «ce pays qui fait rêver les jeunes gay du Maghreb, avec son image d’Eldorado homo alimentée par la télé et l’internet». Sur place, il mesure l’énorme distance qui existe entre son rêve naïf et la réalité. «Quatre mois après la rentrée universitaire, j’ai dû me rendre à l’évidence et abandonner mes études. Je n’avais pas de ressources, pas de logement fixe, j’ai renoncé à l’architecture et cherché un petit boulot. Pour survivre, j’ai trouvé un job de caissier dans un club gay. Puis, en mars 2009, j’ai rencontré Olivier, mon copain. C’était sérieux, j’ai préféré changer de travail et prospecter dans la restauration. Des patrons m’ont fait confiance et m’ont embauché. Au black, j’ai commencé à la plonge, j’ai bossé, progressé et gagné mes galons en tant que responsable du chaud en cuisine… Malheureusement, j’étais toujours sans papiers. Même plus étudiant, pas vraiment salarié, je n’étais pas en mesure de solliciter et d’espérer un titre de séjour de longue durée…»
Soutenu par son compagnon, Achraf entame alors les démarches nécessaires à sa régularisation, l’été dernier. En parallèle, les amoureux se pacsent. D’abord par amour, mais aussi sans doute, pour faciliter l’obtention d’un visa… Car si la conclusion d’un pacs n’entraîne en aucun cas l’acceptation d’un dossier de régularisation de manière automatique, elle constitue en tout cas un élément favorable d’appréciation des liens personnels en France au titre de «la vie privée et familiale»… Pour l’heure, la demande de papiers d’Achraf reste sans réponse.
Trois ans d’emprisonnement
«Et c’est là tout le problème de mon client, poursuit maître Landète, le conseil d’Achraf. Il n’a en effet pas de papiers qui lui permettent de séjourner légalement en France et son retour en Tunisie constitue un risque. En effet, il faut savoir que lorsqu’il s’est pacsé, Achraf a motivé sa demande de titre de séjour en prenant une position claire sur la question de sa sexualité. Ce qui l’expose, en cas de retour dans son pays natal, à de graves conséquences. En Tunisie, l’homosexualité masculine est réprimée, selon l’article 230 du code pénal, par trois ans d’emprisonnement. Sans réponse claire de la préfecture à la demande de mon client déposée le 11 août dernier (la préfecture a quatre mois pour statuer, NDLR), j’envisage de saisir le tribunal administratif.»
Achraf attend donc la décision qui pourra lui permettre d’obtenir le précieux titre de séjour, chaque jour, la peur au ventre. Peur d’un contrôle d’identité, qui serait suivi d’un retour forcé en Tunisie, où la victoire du parti islamiste Ennahda semble avoir encore davantage fragilisé la situation des homos. «J’étais juste venu chercher en France une vie normale…», souffle Achraf.
- Source TETU