L’archipel de l’Océan indien s’enfonce dans l’islamisme. Outre le cas choquant d’une ado condamnée à la flagellation, le premier bloggeur gay du pays a échappé à un assassinat. Les appels au boycott touristique se multiplient.
Des îlots sur un lagon bleu turquoise, des palmiers et des hôtels de luxe: les Maldives ont tout du paradis sur terre. Mais, à l’écart des zones touristiques, l’image est toute autre: celle d’un pays où le fanatisme religieux gagne du terrain. Symbole de cette dérive, le cas d’une adolescente de 15 ans condamnée à la flagellation, l’an dernier, pour «fornication», après qu’elle a été victime de viols à répétition par son beau-père. L’affaire, relayée par les médias internationaux, a soulevé une indignation mondiale. Elle s’est traduite par un appel au boycott touristique lancé sur le site Avaaz.com. Il a recueilli plus de 2 millions de signatures à ce jour.
Charia de rigueur
Le Code pénal maldivien est subordonné à la Charia, appliquée de manière de plus en plus rigoureuse dans l’archipel. Hormis dans les secteurs touristiques, le sexe hors-mariage, l’alcool ou la diversité religieuse sont tabous. Même le patrimoine bouddhiste du pays est menacé. L’an dernier, des pièces exposées au Musée national ont été vandalisées au cours d’un raid toujours impuni.
De fait, depuis les troubles du début 2012, qui ont entraîné la chute du premier président du pays élu démocratiquement, les islamistes radicaux du parti Adhaalath se sont emparés de postes stratégiques au sein du Gouvernement. Ils se sont prononcés en faveur de la punition infligée à la jeune fille dans le cadre d’une lutte pour la «protection de l’identité musulmane» de l’archipel.
A l’influence croissante de l’islamisme s’ajoute une situation des droits humains tout sauf paradisiaque. L’arrivée de la démocratie en 2008 n’a pas stoppé les atteintes à la libertés d’expression, ni les violences policières endémiques, ni la pratique de la torture, comme l’a relevé Amnesty International l’an dernier.
Bloggeur gay pris pour cible
Dans ces conditions, les LGBT maldiviens vivent sous une chape de plomb. Ils sont, périodiquement, les cibles d’arrestations arbitraires et de dénonciations. Même si la loi nationale ne criminalise pas l’homosexualité, ils peuvent être condamnés en vertu de la loi islamique. Malgré cela, un homme a tenté de briser le silence: Hilath Rasheed. Il l’a payé cher. Ce journaliste et bloggeur ouvertement gay et laïc était dans les collimateur des islamistes dès 2010. Il était alors la cible d’appels à la décapitation pour consommation de drogue, athéisme et sodomie. Mais Rasheed ne s’était pas laisser impressionner. Avec une trentaine de personnes, il avait manifesté pour la liberté religieuse, fin 2011. Une provocation, pour les autorités, qui l’avaient mis en prison. Libéré quelques temps après, Hilath a échappé à une tentative d’assassinat, en juin dernier. Un coup de couteau au cou a manqué l’artère «de quelques millimètres». «Il aurait du savoir qu’il était dans le collimateur d’une poignée d’extrémiste, a alors commenté un ministre. Nous ne sommes pas un pays laïc. Quand vous parlez de religion, il y a toujours certaines personnes qui ne vont pas être d’accord.»
Interrogé cette semaine par «The Independent» britannique depuis son exil sri-lankais, Hilath est désabusé. «L’extrémisme est la plus grande menace à laquelle est confrontée mon pays, déclare-t-il. J’étais le premier à parler ouvertement d’homosexualité et de liberté religieuse. Les gens diaient que j’étais courageux, mais souvent je pense que j’ai été stupide.»
Le pouvoir ne s’émeut guère
Pour l’instant, le pouvoir maldivien affecte une parfaite sérénité devant les appels au boycott en provenance d’Europe occidentale et des Etats-Unis. Certes, les revenus du tourisme en provenance d’Occident auraient baissé, mais cette désaffection serait davantage due à la crise qu’au condamnation de la jeune Maldivienne. Elle est, en outre, compensée par l’arrivée d’Asiatiques et d’Européens de l’Est. Un million de visiteurs débarquent dans l’archipel de 300’000 habitants chaque année. Le tourisme représente un tiers du PIB national.
- Source 360 CH