Des milliers de fonctionnaires, de policiers ou de militaires canadiens dont la carrière, ou parfois la vie, a été brisée en raison de leur orientation sexuelle il y a quelques décennies, ont reçu mardi les excuses officielles du gouvernement de Justin Trudeau et vont être indemnisés.
"Je suis désolé, nous sommes désolés". Le Premier ministre Justin Trudeau dans un discours, d’une rare gravité au Parlement, a endossé les "erreurs" des gouvernements successifs qui ont perpétué la discrimination contre la communauté LGBTQ.
Dans une contrition collective, le chef du gouvernement a sans détour parlé "du rôle qu’a joué le Canada dans l’oppression, la pénalisation et la violence systémique à l’endroit des communautés lesbienne, gaie, bisexuelle, transgenres, queer".
"C’est avec honte, peine et un profond regret (…) que je suis ici aujourd’hui" pour reconnaître les torts de l’Etat envers ses employés "forcés à vivre à l’écart" et "humiliés".
"Une purge qui a duré des décennies restera à jamais un acte de discrimination tragique de la part du gouvernement envers ses propres citoyens (…), ils ont perdu leur dignité, leurs carrières et ont vu leurs rêves et leurs vies brisées", a ajouté Justin Trudeau qui n’a pu retenir ses larmes.
L’Etat canadien a également conclu une entente à l’amiable pour le règlement d’une poursuite en nom collectif et indemnisera environ 3.000 victimes pour un peu plus de 100 millions de dollars canadiens (66 millions d’euros).
Un mémorial sera érigé à Ottawa en souvenir des victimes renvoyées de l’armée ou de la police, ou aux carrières brisées dans la fonction publique, ou encore aux personnes suicidées en raison de leur orientation sexuelle à l’époque.
"C’est notre honte collective que vous ayez été si maltraités, et c’est notre honte collective que ces excuses aient pris autant de temps, nombre de ceux ayant souffert n’étant plus en vie pour entendre ces mots. Et pour cela, nous sommes sincèrement désolés", a rappelé Justin Trudeau.
Chasse aux sorcières
Outre les excuses aux victimes LGBTQ dont l’avancement dans leur carrière au sein de la fonction publique a été freiné ou brisé entre les années 1950 et 1990 – des pratiques qualifiées par Justin Trudeau de véritable "chasse aux sorcières" -, l’Etat a aussi réhabilité les personnes condamnées pour homosexualité avant sa dépénalisation en 1969.
"L’Etat n’a rien à faire dans les chambres à coucher", avait lâché Pierre Elliott Trudeau, père de l’actuel Premier ministre, en présentant deux ans plus tôt une loi qui allait révolutionner les moeurs en dépénalisant l’homosexualité et en autorisant l’avortement. Trop souvent, a reconnu Justin Trudeau, "nos lois ont appuyé et encouragé ceux qui voulaient attaquer le désir sexuel non conformiste".
En 2005, le Canada a légalisé le mariage entre personnes de même sexe et Justin Trudeau a été le premier chef de gouvernement au Canada à défiler dans les gay pride de Vancouver à Halifax, une habitude qu’il avait prise bien avant d’accéder à ses fonctions officielles.
Le Premier ministre a également promis que l’égalité des genres serait un des thèmes majeurs du prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernement du G7 début juin au Québec et dont le Canada assure la présidence en 2018.
Trop souvent, et en dépit des progrès réalisés, "il y a encore trop de discrimination" au sein de la société canadienne, selon Justin Trudeau qui, avec son épouse Sophie Grégoire, multiplie les interventions dans des conférences, ou parfois même pendant des concerts, pour vilipender les violences faites aux femmes ou aux minorités.
"C’est une journée incroyablement importante, non seulement pour la communauté LGBT, mais pour tous les Canadiens", a salué Svend Robinson, premier député à avoir en 1988 revendiqué son homosexualité quand il siégeait au Parlement. C’est "important d’entendre le Premier ministre dire non seulement ‘nous avons eu tort’ mais aussi ‘cela n’arrivera plus jamais’", a-t-il confié.
- SOURCE ELLICO