"Si mon film permet de penser autrement la masculinité et la féminité, ce serait bien": le jeune cinéaste belge Lukas Dhont signe avec "Girl", en salles ce mercredi, une histoire bouleversante de genre et de persévérance.
Révélation du Festival de Cannes cette année, où il a remporté à 26 ans la Caméra d’or (récompensant un premier film), le réalisateur flamand porte à l’écran, avec ce long métrage très maîtrisé, l’histoire vraie d’une jeune fille de 15 ans, née garçon, qui rêve de devenir danseuse étoile.
"Cette lutte intérieure incroyablement courageuse m’a profondément ému. J’en ai eu connaissance par un article de journal en 2009 alors que je démarrais mes études de cinéma. J’ai décidé aussitôt que ce serait le thème de mon premier film", confiait à l’AFP à Cannes Lukas Dhont, qui avait été auparavant lauréat de la Cinéfondation 2016, pépinière de talents du festival.
"Ce qui m’intéresse, c’est montrer des personnes qui ne sont pas dans les normes classiques du masculin et du féminin. (…) Le cinéma est un moyen intéressant d’en parler", ajoutait le réalisateur, qui confie qu’étant enfant, son père voulait qu’il soit scout alors qu’il préférait avec son frère le théâtre, la danse et le chant.
"Vous pouvez imaginer la confusion quand on a appris que c’était vu comme des activités ‘pour les filles’. J’étais un garçon, comment pouvais-je aimer ça ?", dit-il.
"J’ai donc fini par arrêter tout ça parce que je ne voulais pas qu’on se moque de moi", poursuit le réalisateur, qui dit avoir "été enthousiasmé à l’idée de pouvoir écrire" sur "quelqu’un de courageux, qui très jeune remettait en cause le lien qu’établit la société entre sexe et genre".
L’autre révélation de "Girl" est le jeune acteur belge Victor Polster, 16 ans, récompensé par un prix d’interprétation à Cannes dans la section parallèle Un Certain Regard, où le film était présenté.
Pour ses premiers pas au cinéma, il livre une véritable performance en incarnant Lara, lancée en même temps dans une éprouvante réassignation sexuelle et l’apprentissage exigeant de la danse classique.
Elle peut heureusement compter sur son père, son premier allié qui l’accompagne pas à pas dans ce parcours hors normes.
"L’histoire de Lara m’a touché même si elle n’était pas évidente à jouer. J’ai tout de suite admiré le personnage, cette héroïne prête à tout pour atteindre ses buts", explique Victor Polster, qui connaît tous les sacrifices qu’exige la danse classique: le jeune homme est élève du Ballet royal d’Anvers depuis deux ans.
Pour le film, l’adolescent s’est transformé physiquement, apprenant à rendre sa gestuelle plus féminine, jusqu’à modifier sa voix avec les conseils d’un orthophoniste.
Récompensé aussi à Cannes par la Queer Palm (qui prime un film pour son traitement des thématiques altersexuelles), "Girl" a également une portée documentaire en montrant les étapes de l’ardu parcours de réassignation sexuelle, du traitement hormonal à la chirurgie.
"J’espère que le film permettra de combattre les idées reçues. Pour les personnes dont le corps n’est pas conforme à leur identité, ce n’est pas un choix", dit Victor Polster. "Faire reconnaître leur véritable identité sexuelle leur est absolument nécessaire".