Le quotidien francophone libanais, L’Orient-Le Jour, nous livre le témoignage glaçant d’Ali, jeune homosexuel syrien de 28 ans. TÊTU vous en retranscrit une partie.
Ali vivait depuis toujours à Deir Er-Zor, où il tenait un café de quartier. Le ciel commence à s’assombrir pour lui et sa famille lorsque l’armée de Bachar el-Assad, le président syrien, bombarde sa ville natale, détruisant leur logement, en répression à la révolution syrienne qui débute en 2011. Les combattants d’Al-Nosra (branche syrienne d’Al Qaëda) finissent par reprendre Deir Er-Zor à l’armée régulière du régime, laissant derrière eux une ville meurtrie. En 2014, c’est au tour de Daesh de s’emparer de la ville et de plonger ses habitants dans la terreur.
Vivons heureux, vivons cachés
En Syrie, l’homosexualité est absolument taboue et proscrite. Cependant, cela n’a pas empêché de nombreux homosexuels de vivre comme ils l’entendaient. Ils se repéraient notamment grâce à leur démarche : « Quand je croisais un homme à l’allure féminine, je m’approchais et lui demandais s’il était « jaw » – du milieu » raconte Ali. Des quartiers de « drague » s’étaient développés à Damas, comme le jabal Kassioum, et les applications du type Grindr ou Manjam ont permis de multiplier les opportunités de rencontres dans la plus grande discrétion.
Plus surprenants étaient ces hommes qui osaient se balader fardés dans la rue ou ces fêtes organisées dans des salles de mariage, dans lesquelles des couples gays célébraient leur amour devant la communauté.
L’horreur de Daesh
L’Etat Islamique s’infiltre dans la communauté homosexuelle, notamment via les applications de rencontre, pour détruire ceux qu’il considère comme une abomination. Des amis d’Ali ont ainsi été piégés, torturés puis lâchement assassinés. Alertée par ces disparitions, la communauté s’enferme dans la peur et la psychose, change ses habitudes.
Ali raconte : « On s’est tous laissé pousser la barbe et on a adopté une démarche macho. J’ai caché mes pantalons roses et jaunes, et je me suis entraîné à marcher d’une façon masculine. Je ne me reconnaissais plus. Je me regardais dans le miroir et je voyais un autre homme barbu et viril. C’était comme de la schizophrénie ». Le peine encourue pour les personnes soupçonnées d’homosexualité étant d’être jeté du haut d’un immeuble les yeux bandés.
La fuite
Ali n’a d’autre choix que de fuir pour sa survie, laissant sa famille derrière lui, le cœur meurtri. Il décide de rejoindre Damas puis Beyrouth en bus. Le chemin sera, lui aussi, parsemé de persécutions et d’exactions.
Arrivé au Liban, Ali est hébergé dans des conditions sommaires, est victime d’attouchements dans le logement qu’il partage avec d’autres syriens et est agressé par des Libanais homophobes et xénophobes. L’horreur continue…
Il décide alors de s’inscrire au Haut Commissariat aux Réfugiés comme membre persécuté de la communauté LGBT. Il est aujourd’hui dans l’attente que son dossier soit accepté pour enfin pouvoir se reconstruire et vivre sa sexualité comme bon lui semble, libre, heureux…mais marqué à jamais.
- SOURCE TETU