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 d’ADHEOS

La Cour de justice de l’Union européenne estime, avec beaucoup de précautions, que la France devrait modifier sa réglementation en matière de don du sang, et trouver le moyen de ne pas en exclure systématiquement et à vie les hommes homosexuels. La Cour, qui interprète le droit européen, était interrogée par le tribunal administratif de Strasbourg. Elle a indiqué mercredi 29 avril que l’exclusion définitive pourrait ne pas être « proportionnée » avec l’objectif recherché, à savoir la sécurité des receveurs de sang.
 
« La Cour estime que même si la situation épidémiologique pourrait justifier l’exclusion totale de la population homosexuelle masculine, il faut vérifier qu’il n’existe pas d’autres moyens, moins contraignants, qui permettraient à certains homosexuels et bisexuels de donner leur sang », explique un expert du droit de l’Union. Elle propose la mise en place de quarantaine sur les dons, ou la reformulation du questionnaire auquel doivent répondre les donneurs de sang.
 
L’interdiction de donner son sang pour les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes est en vigueur depuis 1983. Elle est fondée sur une plus forte présence du VIH dans cette population, et sur l’existence d’une « fenêtre silencieuse » de dix jours, pendant lequel le virus est indétectable dans le sang collecté.
 
La gauche avait promis de revenir sur cette interdiction générale, perçue par les associations de défense de droits des homosexuels comme une discrimination, avant de faire marche arrière. Mais, alors que le dossier semblait depuis bloqué, la décision de la Cour de justice de l’Union européenne intervient au moment où le gouvernement a décidé de faire évolution la réglementation.
 
Le débat a été relancé, dans le cadre de l’examen de la loi sur la santé par l’Assemblée nationale, qui a adopté à l’unanimité, vendredi 3 avril, un amendement affirmant que « nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle ». La ministre de la santé, Marisol Touraine, a annoncé des changements imminents. « Les questionnaires remis aux donneurs peuvent donner le sentiment d’une discrimination sur la base de la seule orientation sexuelle, ce qui n’est pas acceptable : ce qu’il faut regarder, ce sont les comportements sexuels, a-t-elle affirmé. Le questionnaire va évoluer. »
 
L’enjeu reste de trouver une formule qui garantisse l’exigence de santé publique et la protection des receveurs. « Il y a 3 000 nouvelles infections par an chez les homosexuels en France, rappelle Josiane Pillonel, épidémiologiste et démographe à l’Institut national de veille sanitaire (InVS). La prévalence, c’est-à-dire la proportion de personnes porteuses, est estimée entre 8 et 20 % dans cette population. »
Différents scénarios
 
La moitié du risque actuel de transmission du VIH par transfusion, estimée à 1 sur 2 900 000 dons, est due à des hommes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes qui ont donné leur sang malgré l’interdiction. « On voit les limites de la mesure d’exclusion permanente actuelle », poursuit Mme Pillonel. La réglementation était perçue comme discriminatoire, elle n’est pas toujours respectée.
 
L’INVS a modélisé différents scénarios. Si la mesure d’exclusion était limitée à douze mois et ne concernait que les hommes ayant eu des partenaires multiples, le risque pourrait être multiplié par quatre, passant à 1 sur 700 000 dons. « Cependant, ce scénario ne tient pas compte de l’éventuelle adhésion des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes à une mesure moins stricte, qui serait perçue comme plus équitable », observe Mme Pillonel. Des études menées à l’étranger ont montré qu’une réglementation perçue comme moins discriminatoire améliore la sincérité des donneurs sur leur comportement sexuel avant le don.
 
En revanche, un assouplissement aurait un effet délétère s’il était interprété comme une garantie de sécurité pour les receveurs, et perçu comme une sorte de feu vert pour donner son sang afin de le faire tester. L’explication de la nouvelle réglementation et la responsabilisation des donneurs seraient donc capitale si cette mesure était retenue.
 
L’exclusion des hommes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes pendant les douze mois qui précèdent le don n’engendrerait en revanche aucune augmentation du risque. Des modélisations précises sont en cours de réalisation. C’est le choix fait en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en Australie. Le Canada requiert une abstinence de 5 ans. L’acceptation des homosexuels abstinents depuis un an était déjà présentée par l’InVS en 2012 sur la base de travaux publiés à l’étranger comme « le changement le plus acceptable en raison du risque additionnel extrêmement faible ». Mais le choix final n’est pas encore arrêté.