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 d’ADHEOS

MARIAGE GAY – Il aura pris sa décision à mi-chemin, le temps de la mesure. En 2010, sept ans après son élection à l’évêché du New Hampshire, Gene Robinson, annonçait qu’il partirait à la retraite deux ans plus tard, soit sept années avant le jour où il devrait officiellement retirer sa mitre.
 
Abattu, le premier évêque ouvertement gay de l’église épiscopalienne -la branche américaine de l’église anglicane- disait n’en plus pouvoir. Des menaces de mort, une consécration à laquelle il a dû assister vêtu d’un gilet pare-balles, 38 évêques réclamant sa démission et pour finir un schisme au sein de sa propre église… Parfois la foi ne suffit pas.
 
Comme prévu, Gene Robinson quittera ses fonctions en janvier de l’année prochaine. Alors comment ne pas voir, dans la publication de son dernier livre, mardi 18 septembre une sorte de révérence, peut-être un testament?
 
Robinson vs. Barbarin
 
Dans God Believes in Love, Straight Talk About Gay Marriage (les anglophones apprécieront le jeu de mot) -Dieu croit en l’amour, Parlons franchement du mariage gay- Gene Robinson revient sur son parcours mouvementé de premier évêque ouvertement gay de l’histoire de l’église anglicane.
 
Mais ce n’est pas tant sa propre histoire qui l’intéresse que ce que les écritures ont à en dire. Car pour lui, pas de doute possible, rien dans la Bible ne saurait légitimement condamner l’homosexualité. Alors qu’en France, la semaine dernière, le cardinal Barbarin établissait un lien entre le mariage gay, l’inceste et la polygamie, la sortie du livre de Gene Robinson prouve que religion et homosexualité peuvent, à défaut de faire bon ménage, dialoguer au sein d’un corps et d’un esprit.
 
Première ligne
 
Pour celui qui était fatigué de se retrouver en première ligne d’un épuisant conflit, nul doute que la publication de cet ouvrage le renverra en première ligne. Mais pour Robinson, le jeu en vaut la chandelle.
 
Question de logique. Pour lui, les imprécations homophobes des textes étaient le produits d’une époque où il était établi que tout le monde devait être hétérosexuel, où l’homosexualité était perçue comme une désobéissance et non une orientation innée.
 
Si Jésus ne s’est jamais exprimé sur la question, ce n’est pas faute d’avoir consacré du temps aux minorités et aux exclus de toute sorte. Plus important encore, pour tous ceux qui s’en tiendraient strictement au Texte, Robinson rappelle que, quoiqu’en dise l’Eglise, nombre de ses préceptes ont été abandonnés, allant de la matière dont sont confectionnés les vêtements que l’on porte, ou du voile que les femmes ne portent désormais plus à l’Eglise. Ces dernières ne sont d’ailleurs pas plus considérées comme la propriété de leurs maris que ceux-ci ne possèdent d’esclaves, comme la Bible les y autoriserait pourtant.
 
"La plupart des gens connaissent quelqu’un qui est homosexuel"
 
"Ce qui a changé aujourd’hui, c’est que la plupart des gens connaissent quelqu’un qui est homosexuel," a expliqué Robinson au Lexington Herald-Leader. "Ils se disent que toutes les abominations qu’on a pu dire sur les homosexuels ne peuvent s’appliquer aux gens que je connais. Ils connaissent des couples gays qui sont restés ensemble 10, 20, 30 voire 40 ans," précise l’évêque.
 
En réalité, cette vision des choses qui étonne de la part d’un membre du clergé, n’a plus véritablement de quoi surprendre outre-Atlantique. Aux Etats-Unis, il existe même un mouvement évangélique gay. Et si, il y a quelques années encore, ces derniers faisaient figure de combattants les plus ardents d’une homosexualité qu’ils prétendaient guérir, là aussi la situation a changé puisqu’ils sont désormais nombreux à tendre la main aux couples homosexuels.
 
C’est toute la société américaine qui a évolué. À quelques mois d’intervalle, deux symboles sont tombés. Le 20 septembre 2011 a vu la fin du Don’t ask, don’t tell, le principe qui gouvernait la position de l’armée américaine vis-à-vis des gays, lesbiens et bisexuels, selon lequel l’armée ne pouvait recruter d’individu ouvertement gay, tout en se réservant le droit de punir toute forme de discrimination. Mais c’est surtout la prise de position de Barack Obama en faveur de l’union entre personnes du même sexe, en mai dernier, qui a semé le trouble parmi les différentes confessions cohabitant sur le territoire américain.

Modern family
 
Reflet de l’évolution de la société, la vie privée de Gene Robinson l’est tout autant. Marié une première fois, père de deux filles, il décide finalement de divorcer. Ses deux filles ont alors 4 et 8 ans. Dans son livre Robinson fait part de cette sexualité qui lui posait problème, tout en ne l’empêchant pas d’aimer sa femme et d’aimer être marié. Mais c’est une rencontre, celle d’un amant qui deviendra son époux qui le bouleverse, et le pousse à accepter son homosexualité.
 
"Pour la première fois j’étais capable d’exprimer mon amour grâce à mon corps. J’ai ressenti une forme de plénitude, une adéquation entre mon corps et mon esprit que je n’aurais jamais imaginée," écrit Robinson. Quant aux allégations selon lesquelles la sexualité homosexuelle est moralement condamnable à cause de ses pratiques débridées, Robinson répond en écrivant que "les relations homosexuelles peuvent être au moins tout aussi ennuyeuses que les relations hétérosexuelles." Point sur lequel l’Eglise catholique n’est pas en mesure de partager son expérience avec le reste d’une société dont elle semble toujours davantage s’éloigner.