Ce samedi 16 novembre 2024, se tenait un référendum autour de l’entrée en vigueur d’une nouvelle constitution gabonaise. Elle est le fruit d’âpres discussions entre les autorités militaires de transition, avec à leur tête le commandant Brice Oligui Nguema, qui ont déposé le régime d’Ali Bongo et les acteurs de la société civile gabonaise, dont certains demandaient d’inclure la criminalisation de l’homosexualité dans le projet de constitution.
Finalement le oui l’a emporté avec plus de 90% des suffrages, malgré une participation en demi-teinte à près de 55%. Pour 76crimes, l’artiste franco-gabonais Jann Halexander a accepté de livrer ses impressions.
Tourner la page des années Bongo
Jann Halexander : « Depuis son indépendance en 1960, le Gabon n’a connu que 3 présidents, dont 2 issus du même clan familial, Omar Bongo (1967 – 2009) et Ali Bongo (2009 – 2023).
Avec cette constitution il s’agit de tourner la page après 60 ans d’une gestion patrimoniale et discrétionnaire du pays et de ses richesses, tandis que le Gabon a connu un bref épisode de pénalisation de l’homosexualité entre 2020 et 2021.
Protéger l’intimité des Gabonais
Aujourd’hui, je loue les intentions libérales de ce texte qui stipule dès-méshui à l’article 18 que « chacun a droit au respect de sa vie privée », tandis que l’article 19 garantit que « le secret de la correspondance, des communications postales, télégraphiques,électroniques, téléphoniques et télématiques est inviolable ».
Il faut dire qu’au Gabon, le kongossa ou l’art de surveiller ce que fait son voisin est très répandu culturellement, or les pratiques intrusives de l’ancien régime alimentées par la dénonciation et les rumeurs populaires pouvaient conduire à ruiner la vie des personnes LGBT+.
Désormais, il y a un cadre qui protège l’intimité des individus et en soi, c’est un grand progrès qui pour moi n’entre pas du tout en contradiction avec l’article 169 qui stipule que le mariage au Gabon est « l’union entre deux personnes de sexe opposé ».
Un modèle social africain en devenir
En effet, au Gabon et plus largement en Afrique, s’il y a des mobilisations LGBT+, elles ne visent pas à demander le droit au mariage et à l’adoption entre personnes du même genre comme dans les pays du nord, mais elles ont pour aspiration le droit à l’indifférence et au respect dû à la dignité humaine, en congruence avec les sociétés endogènes.
Enfin, je suis fier du Gabon où les autorités ont fait le choix de ne pas s’immiscer au cœur de ce que les individus ont de plus intime, sans altérer pour autant la valeur culturelle des unions matrimoniales sur place, car souvent le paradigme retenu pour défendre les traditions est de réprimer l’homosexualité, à l’instar de ce que l’on observe au Sénégal, en Afrique du Nord, mais aussi d’ores et déjà au Mali et au Burkina-Faso.
Le Gabon qui criminalisait l’homosexualité en 2020 montre qu’une autre voie est possible, sans manichéisme et sans gesticulation électoraliste« .
- SOURCE 76CRIMES