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 d’ADHEOS

Un nouveau code pénal aurait dû entrer en vigueur le 24 juin dernier. Cependant, son application a été reportée sine die sous la pression des églises évangéliques qui n’entendent pas parler de lutte contre toutes les formes de discriminations, notamment celles qui visent les publics LGBT+.

Pourtant, c’était la première fois en 190 ans, depuis 1835, que le code pénal haïtien était ainsi remanié pour pouvoir s’adapter aux réalités et aux exigences démocratiques du monde moderne, afin d’être un outil efficace pour réaffirmer l’autorité de l’État haïtien dans son fonctionnement et dans sa reconstruction.

Retirer un outil de droit moderne à un pays

Grégory Toussaint (à ne pas confondre avec son homonyme Greg Toussaint, un ex-youtubeur misogyne dont Stop Homophobie a fait clôturer tous les comptes) de la Tabernacle of Glory, une église protestante de Miami vient d’obtenir gain de cause, auprès des nouvelles autorités haïtiennes de transition, dans son pays d’origine.

En effet, le décret présidentiel de 2020 de l’ex-président Jovenel Moïse (il a été assassiné en juillet 2021) destiné à moderniser la justice d’un pays dont la capitale est gangrénée par les gangs, n’a toujours pas pris effet alors que la dernière tenue d’élections remonte à 2016 (des élections partielles).

A présent il est question que la ratification du code pénal par le futur parlement ait lieu à l’horizon de 2026, aux termes de la durée de la transition prévue pour 2 ans, le temps de ramener de l’ordre et de l’autorité dans le pays.

Durant cette période, les doléances des divers leaders religieux devraient être entendues et des amendements substantiels apportés, selon Jean Renel Sénatus, une figure politique locale notoirement homophobe.

Un combat pour le droit de discriminer

Parmi les textes décriés figurent notamment l’article 362 qui définit les discriminations, ainsi que les articles 363 et 699 qui portent sur des dispositions de sanctions à l’encontre des auteurs d’actes de discrimination qui constituent alors des délits.

Ainsi l’article 362 du nouveau code pénal haïtien stipule que « constitue une discrimination toute distinction opérée
entre les personnes physiques »
 ou « entre les personnes morales » « à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs
caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race, une religion déterminée »
.

Tandis que l’article 363 prévoit des peines d’emprisonnement allant « de 1 à 3 ans », ainsi que des amendes s’élevant de « 50 000 à 75 000 gourdes » (entre 350 et 523 euros) pour tout auteur de discrimination envers une personne morale ou physique telle que définie à l’article 362.

Enfin, l’article 699 prévoit des dispositions analogues envers une personne dépositaire de l’autorité publique qui commettrait une discrimination, avec cette fois-ci une amende pouvant s’élever jusqu’à 100 000 gourdes (700 euros), assortie de 3 ans de prison maximum.

Cependant pour l’heure, ce sont toujours les textes de 1835 qui demeurent en vigueur tandis que le pasteur Grégory Toussaint a également ciblé d’autres articles lors de l’oukase qu’il a adressé au premier ministre de transition, Gary Conille, ainsi qu’au président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), Edgar Leblanc Fils.

Bien loin d’être uniquement indigné que les relations sexuelles forcées avec un animal soient pénalisées (article 301), mais pas les relations sexuelles consenties avec une bête, il semble en vérité avoir d’autres idées fixes.

Un combat pour ôter la vie des personnes LGBT+

Aussi, dans son collimateur, de manière plus inquiétante l’on retrouve les articles 248, 275, 278 et 298 qui se rapportent respectivement aux condamnations en cas de meurtre, de mutilation permanente, de violence et de viols, notamment lorsqu’il s’agit de victimes homosexuelles.

Article 248 – Le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est commis :
9º En raison de l’orientation sexuelle de la victime.

Article 274 – Les violences ayant entraîné une mutilation permanente ou une infirmité permanente
sont passibles d’un emprisonnement de sept (7) ans à dix (10) ans et d’une amende de 50,000 gourdes
à 100,000 gourdes.

Article 275 – L’infraction définie à l’article 274 est passible d’un emprisonnement de dix (10) ans à quinze (15) ans lorsqu’elle est commise :
9º En raison de l’orientation sexuelle de la victime.

Article 278 – Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit (8) jours,
ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies d’un emprisonnement de trois (3) mois à six (6) mois d’emprisonnement et d’une amende de 10,000 gourdes à 25,000 gourdes lorsqu’ils sont commis :
9º En raison de l’orientation sexuelle de la victime.

Article 298 – Le viol est passible de quinze (15) ans à vingt (20) ans de réclusion criminelle :
11º Lorsqu’il est commis en raison de l’orientation sexuelle de la victime.

Les prochains développements et soubresauts de la politique haïtienne nous diront si les nouvelles autorités de transition parviendront à stopper l’érosion continue de l’état de droit en Haïti depuis les 10 dernières années.