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 d’ADHEOS

 Agustin Estreda était un directeur d’école méritant et sans histoires. Le jour où il a fait son coming out en s’habillant en femme, sa vie a basculé, ainsi que celle de son avocat…

 
 
 
On pourrait croire que l’histoire date d’un autre âge, tant le Mexique avait acquis meilleure réputation après le vote du mariage homosexuel et de l’adoption dans la ville de Mexico en mars 2010. Mais il suffit toujours de sortir à une heure de la ville de Mexico pour connaître la pire homophobie, comme ce fut le cas pour Agustin Estreda et Jaime López, à Toluca, capitale de l’Etat de Mexico, le plus proche voisin du District fédéral. C’est en 2009 que les deux hommes – l’un plaignant, l’autre avocat – ont été brutalement détenus par la police de l’Etat de Mexico et incarcérés. Les deux vivront l’enfer, jetés en pâture dans une cellule avec dix détenus, par un: «Voici un sale pédé pour vous divertir les gars».

 
 
Dans le cas du plaignant, Agustin, l’examen médical pratiqué (selon le protocole d’Istanbul) confirmera tant la torture que le viol. Malgré les alertes lancées pour sa protection par des ONG internationales et la Commission interaméricaine des Droits de l’homme, Agustin sera de nouveau violé et torturé en septembre 2010. Il fuit immédiatement aux Etats-Unis, où il vient de déposer une demande d’asile politique. Son avocat, Jaime, évitera le viol mais pas les coups dans cette cellule. Il en sort accusé «d’injures à policier et d’entraves sur la voie publique». En avril 2011, il vient d’être condamné en première instance à 22 mois de prison ferme. Et si l’Etat de Mexico ne calme pas sa virulence envers ces deux hommes, sa peine pourrait bien être confirmée.
 
Travesti puis licencié
Qu’ont donc fait ces deux citoyens pour mériter un tel traitement? L’histoire pourrait sembler risible si elle n’avait pas engendré une telle violence: Agustin Estrada, directeur et fondateur d’une école pour enfants handicapés, s’est vêtu en femme pour un spectacle lors de la journée de lutte contre l’homophobie. «Je faisais le personnage d’Alban dans la cage aux folles. J’ai été immédiatement licencié», explique Agustin. Celui qui a fondé cette école à la place d’une décharge et qui a toujours eu le soutien des parents se retrouve ainsi sans emploi depuis un an.
 
Jaime, avocat de profession et directeur de l’association Agenda LGBT va justement organiser un atelier pour les jeunes gays dans le quartier d’Agustin. «Je lui ai proposé de le défendre car on lui demandait “d’abandonner sa préférence sexuelle” pour être réintégré», explique Jaime. La négociation avec les autorités tourne au drame avec leur brutale détention en 2009.
 
Laissé pour mort
En mars 2010, Jaime pourtant formellement accusé, reprend espoir: il fait partie des premiers mariés par le maire de Mexico. Le pays va peut-être évoluer… Mais les espoirs sont vite douchés quand, quelques mois après, Agustin est laissé pour mort, un sac plastique sur la tête, violé par un tube en métal. «On l’a alors immédiatement sorti du pays avec des contacts» raconte Jaime, toujours inquiet pour sa sécurité. C’est aujourd’hui à lui de reprendre la barre pour s’éviter presque deux ans de prison ferme.
 
Le premier marié gay est désormais le premier condamné au Mexique pour défendre un autre gay dans une affaire de discrimination. Dans sa demande officielle d’asile politique, Agustin donne une piste pour comprendre la violence qu’il a subie: en révélant que son ancien amant n’est autre que l’actuel candidat au poste de gouverneur de l’Etat de Mexico, il insiste sur un point: «On a tout fait pour me faire taire car il ne faut surtout pas que Eruviel Avila sorte du placard». Agustin a aussi révélé que l’équipe du candidat le cherchait pour négocier. «Mais après les deux viols que j’ai subis, je n’ai plus envie de négocier», nous a-t-il dit par téléphone depuis les Etats-Unis.