Auditionné par le sénat le 1er juillet, le défenseur des droits considère qu’il en va de « l’égalité des droits » entre les femmes ayant un « projet parental ».
Une position radicale, qui rejoint celle adoptée le même jour par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
François Hollande n’est pas pressé de se saisir de la question de la PMA, la procréation médicalement assistée, après les vives oppositions exprimées en 2013 sur le « mariage pour tous ». Il s’en est donc remis aux réflexions du Comité consultatif national d’éthique sur le sujet, qui ne seront pas connues avant la fin 2015.
Cependant, deux instances n’ont pas attendu pour se prononcer. Mercredi 1er juillet, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, ainsi que le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) se sont tous deux prononcés pour l’ouverture de ces techniques aux couples de femmes et aux célibataires, au nom de « l’égalité des droits ».
« Inégalité d’accès »
Pour Jacques Toubon, qui s’est exprimé à l’occasion d’une audition au sénat, la loi actuelle crée « une inégalité d’accès entre femmes selon leur orientation sexuelle ». Ce dernier prône donc une modification radicale de la loi de bioéthique de 2011, en remplaçant la condition d’infertilité – qui seule justifie aujourd’hui le recours à la PMA avec tiers donneur pour les couples hétérosexuels – par la notion de « projet parental ».
Ainsi, toutes les femmes, qu’elles soient en couple avec une autre femme ou célibataire, pourraient prétendre à un don de sperme anonyme pour avoir un enfant. C’est aussi ce que défend le Haut conseil à l’égalité, qui souhaite « étendre l’accès à la PMA à toutes les femmes sans discrimination ».
La rupture introduite par le « mariage pour tous »
Pour les deux instances, les arguments sont sensiblement les mêmes : tout d’abord, la nécessité de prendre en compte la diversité des structures familiales et des projets parentaux ; ensuite, l’incohérence du droit qui permet depuis la loi Taubira aux couples de femmes d’adopter, donc de porter un projet parental ensemble mais en les obligeant à se rendre à l’étranger pour bénéficier d’un don de spermatozoïdes (en Belgique par exemple) ; enfin, les risques sanitaires des PMA artisanales et du recours à des banques de sperme via Internet. Des arguments bien connus, portés depuis plusieurs années par les associations de défense des couples homosexuels.
Bouleversement des règles de bioéthique
Une telle option entraînerait par ricochet une remise en cause des principes bioéthiques en vigueur depuis 1994 : en matière de filiation, quelle reconnaissance pour la partenaire de la mère ? Si la PMA ne répond plus à des critères médicaux, faut-il la rembourser ? Les revendications pour une levée de l’anonymat pourraient aussi se faire de plus en plus pressantes.
De nouvelles règles de filiation
Jacques Toubon, dans son audition, ne tranche pas toujours. En matière de filiation, il estime que plusieurs options sont possibles : par exemple, accorder une « présomption de maternité » pour la partenaire, ce qui bouleverserait un principe fondamental du droit français selon lequel la mère est celle qui accouche (« Mater semper certa est », la mère est ainsi toujours certaine) – par distinction de la filiation adoptive, spécifique en droit.
Le Défenseur des droits évoque également la possibilité de la « déclaration commune anticipée », c’est-à-dire un engagement des deux femmes du couple à être parents avant d’entrer dans le processus de PMA.
Cette solution a la préférence du Haut Conseil, qui propose d’« instaurer la possibilité d’une déclaration commune anticipée de filiation pour tous les couples ayant recours à une PMA », sans condition de mariage.
Une telle déclaration signée devant notaire « permettrait de ne pas hiérarchiser les deux parents : parent biologique ou non » et « éviterait de passer par le principe de pseudo-filiation génétique », souligne l’avis.
Remboursement
En matière de remboursement, le Haut conseil recommande d’aligner la prise en charge sur celle actuellement en vigueur pour les couples hétérosexuels – même si les critères médicaux d’infertilité disparaissent.
Le Défenseur des droits, lui, soulève la question, en encourageant à prévoir le financement d’une telle réforme. Il relève enfin que l’hypothèse d’une levée de l’anonymat du donneur n’est pas à exclure.
- SOURCE LA CROIX