Victor est un enfant, Mathieu un adolescent, Clément un adulte. Nés d’une PMA à l’étranger de lesbiennes, ces Français disent n’avoir "jamais souffert" de l’absence d’un père, récusant les arguments des opposants qui manifesteront dimanche contre l’ouverture de la PMA aux couples de femmes.
"Mes mamans m’ont parlé d’un gentil monsieur qui avait donné sa graine", raconte Victor, 11 ans, né d’une PMA réalisée en Espagne, qui a "tout de suite compris" l’histoire de sa naissance en 2009. Il a depuis été rejoint par sa petite soeur Margot, 6 ans, également née par PMA (procréation médicalement assistée).
"Dès que j’ai eu l’âge de parler, ma mère a toujours voulu m’expliquer, elle ne m’a jamais rien caché", abonde Mathieu, 15 ans, né d’une PMA en Belgique.
Quand ses copains lui posaient des questions, c’est à elle que ce lycéen, "curieux sur son histoire", s’est toujours adressé pour obtenir des réponses. Clément, 24 ans, "a eu une explication assez simple". Ses deux mères ont passé une petite annonce dans la presse, "un homme a répondu et a accepté de faire un don pour les aider", explique le jeune homme, administrateur réseau à New York. Pour lui, tout s’est passé en France, grâce à un médecin qui a accepté de procéder à une fécondation in vitro (FIV) en toute illégalité.
La transparence du récit semble être la règle pour les lesbiennes passées par une PMA. "Je n’ai pas rencontré de couples de femmes qui disent à leurs enfants qu’elles les ont fait elles-mêmes", explique Alain Ducousso-Lacaze, professeur de psychopathologie clinique à l’université de Poitiers (centre). Ce spécialiste coordonne depuis 2014 un projet de recherche inédit en France, baptisé DEVHOM, mené auprès de 150 familles homoparentales.
Les premiers résultats montrent que "les enfants se repèrent bien dans la succession des générations", dit le chercheur. "C’est fondamental: cela veut dire qu’ils savent d’où il viennent. Il sont à leur place", ajoute-t-il.
Le donneur, "source d’interrogations"
L’étude a également interrogé les enfants sur la place qu’occupe le donneur dans la construction de leur histoire familiale. Jusqu’à présent, Victor ne s’est "pas trop" posé de questions sur cet homme. "J’ai un parrain dont je suis super proche, je pourrais parfois l’appeler ‘mon père’ mais il ne remplacera jamais mes deux mamans", explique-t-il.
"Je sais juste qu’il était grand, blond aux yeux bleus et qu’il était Belge", confie Mathieu. "Forcément", il s’est déjà demandé qui il était, mais n’a "jamais ressenti plus que ça le besoin de le connaître". Il n’a "jamais souffert" de cette absence, en tous cas "beaucoup moins que des gens qui ont perdu leur père pour X ou Y raison".
Clément connaît lui son donneur, un chirurgien qui avait répondu à la petite annonce de ses deux mères. Il l’appelle "mon père" mais c’est pour lui "un mot comme un autre". "Je le vois rarement, on n’a pas de relations très profondes et il ne m’a pas élevé en tant que tel. C’est comme un ami de la famille, pas plus que ça", résume-t-il.
"Les enfants ne représentent pas le donneur dans leur famille", ni dans les dessins, ni dans les génogrammes – arbres généalogiques simplifiées -, a observé Alain Ducousso-Lacaze. Néanmoins, "ils en parlent" et si "cela ne leur créé pas des problèmes insurmontables", cet inconnu demeure "une source d’interrogations".
Pour les opposants à la PMA, qui défileront à nouveau dimanche à Paris pour demander le retrait du projet de loi bioéthique, le texte va "créer volontairement des orphelins de père".
L’Académie nationale de médecine a apporté de l’eau à leur moulin en estimant qu’une extension de la PMA constituerait "une rupture anthropologique majeure qui n’est pas sans risques pour le développement psychologique et l’épanouissement de l’enfant".
"Dans la diversité des familles, on ne voit pas de différences ou très peu" chez les enfants, oppose Benoît Schneider, professeur en psychologie de l’Education à l’Université de Lorraine, qui a épluché 16 publications internationales – essentiellement anglo-saxonnes – sur le sujet entre 1997 et 2017.
- SOURCE E LLICO