Les deux Suisses pacsés avant la naissance de l’enfant né en 2011 n’ont pas été reconnus pères, a indiqué mardi la Cour européenne des droits de l’homme.
Selon la Cour européenne des droits de l’homme, la Suisse a violé le droit à la vie privée d’un enfant en refusant de reconnaître la paternité de deux hommes vivant en partenariat enregistré. L’enfant était né d’une mère porteuse aux États-Unis en 2011.
L’enfant avait été conçu grâce à une fécondation in vitro effectuée avec les spermatozoïdes de l’un des deux pères et les ovules d’une donneuse anonyme. Un jugement rendu par un tribunal californien avait ensuite reconnu la validité du lien de filiation entre l’enfant et les deux Suisses, qui s’étaient pacsés deux mois avant la naissance.
Juges de Strasbourg
Dans un arrêt de chambre rendu mardi, la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH) estime que la Suisse a violé l’article 8 (droit au respect de la vie privée d’un enfant né d’une gestation pour autrui) de la convention. Elle note qu’à la naissance de l’enfant en 2011, le droit suisse n’offrait aucune possibilité de faire reconnaître le lien de filiation avec le parent d’intention. À l’époque en effet, l’adoption n’était ouverte qu’aux couples mariés et ce n’est qu’en 2018 qu’il a été possible d’adopter l’enfant d’un partenaire enregistré.
En revanche, la CourEDH a rejeté le recours des deux hommes. La gestation pour autrui à laquelle ils ont recouru à l’étranger était alors contraire à l’ordre public suisse. Les juges de Strasbourg ont estimé que les difficultés pratiques que les recourants pourraient rencontrer dans leur vie ne dépassaient pas les limites imposées par le respect de l’article 8.
Pour la première fois, la Cour européenne des droits de l’homme a ainsi rendu un arrêt portant sur l’homoparentalité liée à la GPA. «Nous nous réjouissons de la décision rendue à Strasbourg», déclare Maria von Känel, directrice générale de l’Association faîtière Familles arc-en-ciel. «La Cour a placé le bien de l’enfant au cœur de sa démarche». Suite au refus de reconnaître le lien de filiation de l’enfant avec le parent non génétique, la parentalité, pourtant stable dans les faits, ne trouvait pas écho sur le plan juridique, l’enfant n’ayant par exemple à l’égard de ce parent aucun droit à héritage, à aliments ou à assistance. La Cour avait donc de bonnes raisons pour statuer comme elle l’a fait.
Demande de reconnaissance
L’arrêt dénonce notamment la longueur du délai pour l’établissement juridique de la famille. La procédure d’adoption de l’enfant par le père non génétique n’a pu être entamé qu’en 2018, suite à l’entrée en vigueur du nouveau droit de l’adoption qui permet aux couples de même sexe d’adopter l’enfant du/de la partenaire. Comme 8 années se sont écoulées avant que le deuxième père ne soit reconnu comme parent légal, la Suisse a dépassé la marge d’appréciation dont elle jouissait et violé l’art. 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).
L’Association faîtière Familles arc-en-ciel demande aujourd’hui aux tribunaux suisses et aux politiques de faire en sorte que la parentalité de deux hommes ayant réalisé leur projet parental grâce à une GPA à l’étranger soit reconnue rapidement et sans tracas administratifs.
- SOURCE TDG.CH