Dimanche 2 février, dans les cortèges de la Manif pour tous contre l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, beaucoup s’inquiétaient d’un texte qui vient d’être voté au Parlement européen, mardi 4 février : le « rapport Lunacek », initiative de la députée autrichienne écologiste Ulrike Lunacek, qui propose une « feuille de route » contre l’homophobie et les discriminations liées à l’orientation sexuelle.
Le document a été adopté par 394 voix pour et 176 voix contre et 72 abstentions. Les opposants au mariage homosexuel dénoncent un texte élaboré par le « lobby LGBT » avec pour objectif d’imposer, selon eux, l’agenda gay aux législations des vingt-huit Etats membres. Sur le site CitizenGo, une pétition contre cette feuille de route, lancée par La Manif pour tous, a recueilli plus de 200 000 signatures. Le point sur ce texte qui suscite un grand nombre de fantasmes.
Que propose le « rapport Lunacek » ?
Ce document est un « rapport d’initiative », c’est à dire, dans le jargon européen, qu’il s’agit d’un « rapport d’opinion » qui n’a pas de valeur contraignante. Il propose à la Commission européenne d’adopter une stratégie globale afin de lutter contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle. « A dix reprises depuis 2010, le Parlement européen a demandé à la Commission d’établir une feuille de route, comme il en existe déjà au sujet des discriminations contre les Roms ou contre les personnes souffrant de handicap, mais Viviane Reding [la commissaire à la justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté] ne s’est jamais emparée du sujet de l’homophobie, explique au Monde l’eurodéputée Ulrike Lunacek. Nous avons donc pris l’initiative en obligeant la Commission, par cette feuille de route, à tenir compte des discriminations liées à l’orientation sexuelle. »
Le document proposé par Ulrike Lunacek, qui a fait l’objet d’un consensus entre cinq grands partis européens – Parti populaire européen (PPE), Socialistes et démocrates (S&D), Alliance des Libéraux et Démocrates pour l’Europe (ALDE), Verts et Gauche unitaire européenne-Gauche verte nordique (GUE/NGL) – « condamne fermement toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre » et « demande à la Commission de faire un usage le plus large possible de ses compétences, y compris en facilitant l’échange de bonnes pratiques entre les Etats membres ».
Le texte reste très général, mais parmi les mesures plus concrètes proposées dans cette « stratégie », le texte encourage la Commission « à recueillir régulièrement des données pertinentes et comparables sur la situation des personnes LGBTI [lesbiennes, gays, bisexuelles, transexuelles et intersexe] dans l’Union européenne », à « promouvoir l’égalité et la lutte contre les discriminations dans l’ensemble de ses programmes destinés à la jeunesse » et à « favoriser la formation des professionnels ».
Le rapport Lunacek imposera-t-il de légiférer sur la PMA ou le mariage homosexuel ?
Dans le texte de la pétition s’opposant au rapport Lunacek, les signataires estiment que le document « détourne une politique de non-discrimination pour créer des privilèges au profit de certains citoyens sur la base de leur sexualité ». « Le rapport Lunacek ne laissera aucun autre choix aux institutions de l’UE et aux Etats membres que d’incorporer l’agenda LGBTI à la conception de politiques publiques ». En réalité, les signataires confondent la feuille de route, qui reste de nature générale, avec une série d’amendements adoptés par la commission parlementaire des droits de la femme et de l’égalité des genres, qui effectivement, proposaient d’aller plus loin que le rapport initial. Parmi ces amendements figurent notamment une incitation à étendre les traitements de fertilité et de procréation médicalement assistée aux personnes LGBT ou la possibilité que les enfants aient plus de deux parents, mais aucun n’a été intégré au texte voté mardi au Parlement européen. « Nous avons voulu rester sur le document de consensus, approuvé par les cinq grandes familles politiques européennes », assure Ulrike Lunacek.
- Source Le Monde