Lors de son Congrès national de Creil (19au 22 août 2015), la Libre Pensée a fié sa position en traitant de la Question à l’étude : « La PMA et la GPA sont-elles de nouvelles libertés à conquérir ou faut-il en rester à l’actuelle législation en France ? »
La GPA nous a paru un sujet digne d’intérêt car nous y avons reconnu les thèmes d’élection de la Libre Pensée : Liberté de conscience, liberté du droit à disposer de son corps, question sociale et philosophique. Il est important de répondre au désir d’enfant d’un certain nombre de personnes. Ceci n’a rien à voir avec un prétendu "droit à l’enfant" auquel la Libre Pensée ne souscrit pas.
En janvier 2010, une proposition de loi a été déposée au Sénat. L’exposé des motifs indiquait " la maternité pour autrui constitue probablement une pratique séculaire permettant de remédier à l’infertilité d’une femme. Longtemps tolérée parce que pratiquée de manière occulte, dans le secret des familles (…) l’article 1° modifie ainsi le Code de la santé Publique afin d’inscrire la Gestation pour autrui dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation.
Elle deviendrait un instrument supplémentaire au service de la lutte contre l’infertilité, sans que soit reconnu pour autant un "droit à l’enfant" (…) seuls pourraient bénéficier d’une GPA les couples composés de personnes de sexes différents (…) » La Libre Pensée estime que le principe d’égalité en droit commande d’étendre à tous la possibilité d’accéder à la procréation.
La GPA s’inscrit globalement dans le cadre de la PMA. Effectivement des actes de PMA sont requis avant de mettre en œuvre une GPA. Ces actes sont actuellement interdits par la loi française, il sera donc nécessaire de mettre en place une PMA libérée du pouvoir décisionnel médical pour devenir sociétale[1], pour être effectivement un droit nouveau du citoyen. Il faut donc, qu’il y ait des règles précises qui encadrent la GPA, tout particulièrement il faut poser le principe suivant : le patrimoine génétique de l’embryon ne comporte pas celui de la mère porteuse.
Il faut modifier les conditions d’accès à la PMA
Deux avis, l’un du Haut Conseil à l’Egalité entre les Femmes et les Hommes, l’autre du Défenseur des Droits, viennent de se prononcer (2015) pour l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, considérant que le droit actuel est discriminatoire. La libre Pensée souscrit aux conclusions de ces avis[2]
Les Libres Penseurs sont convaincus qu’il est indispensable de poser un cadre législatif afin d’éviter, autant que faire se peut,
– d’une part les risques, les abus et les dérives : (principalement les pratiques marchandes, le non-respect de la santé de la gestatrice comme de l’enfant, les GPA de convenances…)
– et d’autre part, de garantir les droits et la santé de la mère porteuse, tout comme ceux de l’enfant et les droits des parents d’intention.
Les dispositions suivantes sont de nature à construire les bases de ce cadre législatif nécessaire. En droit français, le don des éléments du corps humain est volontaire, anonyme et gratuit, qu’il s’agisse du sang, des organes ou des gamètes. Toute convention contraire est nulle. Sur le fondement de ce principe qui paraît intangible, tentons de concevoir un dispositif qui permettrait la légalisation de la GPA.
Celle-ci ne pourrait reposer sur un contrat de gré à gré par lequel une femme, même à titre gratuit, accepterait de porter un enfant pour le compte d’un couple ou d’une personne, inaptes à conduire une grossesse. Les gestatrices répondant à divers critères (femmes en âge de procréer ayant déjà eu au moins un enfant et dont l’état de santé physique et psychique, constaté de manière régulière par des médecins, est satisfaisant) devraient au contraire être agréées puis inscrites sur un registre national par l’Agence de la biomédecine (ABM), l’organisme d’Etat compétent en matière de procréation médicalement assistée et de dons d’organe.
Les frais médicaux imputables au suivi de la grossesse et de l’accouchement seraient intégralement pris en charge par l’Assurance maladie du régime dont dépendent les demandeurs d’une GPA. Ces derniers seraient tenus de prendre à leur charge les frais induits par la grossesse. Les gestatrices bénéficieraient des dispositions habituelles en matière de retraite concernant la grossesse et la maternité.
L’ABM procéderait à la vérification des conditions à réunir pour demander le bénéfice d’une GPA. Elle désignerait deux experts psychiatres appelés à se prononcer successivement sur l’état des demandeurs et la solidité de leur projet parental. Au vu des résultats de cette vérification et de ces expertises, l’agence autoriserait le recours à la GPA et désignerait la gestatrice après avoir recueilli son consentement par écrit.
Un droit de rétractation lui serait également reconnu
Les demandeurs seraient libres de choisir le centre de PMA agréé appelé à concevoir l’embryon in vitro, avec ou sans don d’ovocyte d’une femme anonyme autre que la gestatrice. Comme celle-ci, ils feraient l’objet d’un suivi psychologique obligatoire tout au long de la grossesse et dans l’année qui suit l’accouchement. L’ensemble de ces dispositions permet d’assurer l’obligation de consentement éclairé autant pour la gestatrice que pour les parents d’intention.
L’interdiction de la GPA en France a nourri et continue de favoriser un « tourisme procréatif » à destination des pays où cette technique de procréation médicalement assistée est légale. Aujourd’hui, il naît donc des enfants dans le cadre de GPA pratiquées légalement dans divers pays étrangers ce qui pose un problème juridique relativement à l’état-civil de ces enfants. Au moins deux mille enfants, ayant été conçus légalement à l’étranger au moyen de la GPA, vivent actuellement en France sans pouvoir être inscrits à l’état civil.
Sur ce point, la CEDH, Cour européenne des Droits de l’Homme (26 juin 2014) a condamné la France ce qui l’oblige à modifier sa législation particulièrement restrictive en la matière. L’inscription à l’Etat-civil d’enfants nés de GPA à l’étranger a été validée par la Cour de Cassation le 3 juillet 2015. (Arrêt N° 620 – 15-50.002). La Libre Pensée est favorable à cette jurisprudence et à l’évolution législative qui doit s’en suivre.
Au-delà de la régularisation nécessaire au regard de leurs droits fondamentaux, la légalisation de la GPA ne saurait se concevoir sans une modification du droit de la filiation lui-même. En effet, il convient d’éviter les faiblesses de législations étrangères qui considèrent implicitement ou explicitement la GPA comme légale sans pour autant prévoir une filiation automatique entre l’enfant né au moyen de cette technique et la ou les personnes y ayant recouru conformément au Droit applicable. Ainsi, aux Pays-Bas ou en Belgique la GPA n’est pas interdite mais les bénéficiaires du geste altruiste de la gestatrice pour autrui doivent entreprendre une procédure d’adoption après la naissance.
L’enfant serait immédiatement déclaré à l’Etat-civil par les demandeurs de la GPA qui auraient seulement à justifier de la régularité de la procédure en produisant un certificat délivré par l’ABM. Cet encadrement légal devrait prémunir contre les abus et les dérives citées plus haut.
Les Libres Penseurs n’ont pas la naïveté de croire qu’une loi écartera toute infraction. Mais ils sont conscients que l’absence de loi est, dès aujourd’hui, la porte ouverte à toutes les dérives et à toutes les inégalités.
Adoptée par 2625 Pour, 20 Contre et 355 Abstentions.
- SOURCE MEDIAPART