Les principaux point de la réforme du droit d’asile en France

La loi "pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie" a été publiée au JO du 11 septembre 2018. Retour sur les grands axes et les dispositions clefs de ce texte très discuté. Délais pour le dépôt puis l’instruction des demandes d’asile, procédure accélérée, délais de recours, durée de la rétention administrative, demande de titre de séjour, droit de séjour pour raisons de santé, cas des mineurs – dont les mineurs non accompagnés etc.
 
  • Délais raccourcis pour le dépôt et le traitement de la demande d’asile
En matière d’accélération du traitement de la demande d’asile et d’amélioration des conditions d’accueil, le texte se fixe pour objectifs de ramener à six mois le délai d’instruction d’une demande d’asile et de renforcer l’effectivité des décisions de reconduite à la frontière pour les personnes déboutées du droit d’asile.
Pour cela, le texte réduit de 120 jours à 90 jours (60 jours en Guyane), le délai pour déposer une demande d’asile à compter de l’entrée effective sur le territoire français. Au-delà de ce délai, la situation du demandeur sera examinée selon la procédure accélérée. Contrairement aux deux autres procédures, la procédure accélérée se déroule avec un juge unique et n’ouvre pas un droit automatique à l’hébergement et à une allocation.
 
  • Visioconférences, mails et SMS 
Pour sa part, le délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) contre les décisions de l’Ofpra est maintenu à un mois. Mais les demandes d’aide juridictionnelle devront désormais être déposées dans un délai de quinze jours après notification de la décision de l’Ofpra, sous peine de rejet et d’absence d’effet suspensif.
Par ailleurs, la loi supprime, dans plusieurs cas de figure, l’exigence de consentement de l’intéressé pour le recours à la visioconférence dans l’organisation de certaines audiences en matière de droit d’asile ou de droit au séjour.
De même, la notification des décisions et des actes de procédure pourra dorénavant se faire par tous moyens de transmission, dès lors qu’ils garantissent "la confidentialité et la réception personnelle par le demandeur". Cette mesure ouvre la voie, par exemple, à des transmissions par mail ou SMS, pour lutter contre l’incertitude des adresses postales.
 
  • La durée maximale de la rétention administrative portée de 45 à 90 jours 
La mesure la plus discutée au cours des débats concerne sans aucun doute le passage de la durée maximale de la rétention administrative de 45 à 90 jours, avec l’objectif affiché de faciliter la mise en œuvre effective des OQTF (obligation de quitter le territoire français).
  • Enfants en rétention, assignation à résidence et délais d’intervention du juge
Par ailleurs, en dépit d’un amendement voté par le Sénat, la loi n’interdit pas le placement d’enfants en centre de rétention (dans des circonstances toutefois très encadrées).
Le texte entend toutefois faire de l’assignation à résidence, plutôt que de la rétention, la procédure de droit commun après une OQTF. Mais elle réduit en même temps le délai de départ volontaire de trente à sept jours.
La loi du 10 septembre porte également à 48 heures le délai d’intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) durant une rétention administrative. Depuis quelques années, ce délai a été successivement de cinq jours (loi Besson), 48 heures (loi Cazeneuve) et 24 heures. Or plus le délai est long, plus l’autorité administrative a la possibilité d’organiser une expulsion avant l’intervention du JLD, la décision de ce dernier n’ayant alors plus aucune portée pratique immédiate. Le texte fixe par ailleurs à quatre jours le délai pour les décisions relevant du juge administratif.
 
  • Demande d’asile ou demande de titre de séjour ? 
La loi précise les possibilités de déposer une demande de titre de séjour parallèlement à une demande d’asile et clarifie la procédure en cas de refus de la demande de titre de séjour. Cette possibilité d’une double demande était jusqu’alors gérée de façon assez floue, certaines préfectures refusant d’ailleurs, hors de toute base légale, de les prendre en considération.
Mais la clarification opérée par le texte a aussi pour effet de réduire les possibilités de demandes parallèles. Par ailleurs, la loi donnant aux préfets le droit de notifier une OQTF en se fondant uniquement sur le refus de la demande d’asile, des expulsions seront possibles alors qu’une demande de titre de séjour est encore en cours.
La loi donne aux aussi préfets la possibilité de refuser le droit au séjour d’un étranger alors que les médecins considèrent que son état de santé impose la poursuite des soins en France. Le préfet devra alors prendre une décision "spécialement motivée", dont la loi ne précise pas vraiment le contenu. La mesure pourrait entériner des pratiques qui existent déjà, comme la contre-enquête médicale ou la recherche de preuves de l’existence de solutions de soins dans le pays d’origine.
 
  •  Des améliorations ponctuelles, toujours le flou pour les MIE 
La loi du 10 septembre apporte toutefois quelques améliorations au droit au séjour des réfugiés vulnérables, avec l’instauration d’un titre de séjour de quatre ans pour certains réfugiés et une protection renforcée pour les femmes ou hommes exposées au risque de mutilations sexuelles. De même, la loi étend le principe de la réunification familiale aux frères et aux sœurs des mineurs ayant obtenu l’asile.
Vis-à-vis des mineurs isolés étrangers (MIE), la loi prévoit la création d’un fichier national, accessible aux départements, intégrant la photo et les empreintes. Cette mesure ne règle pas la question de la minorité effective de certains MIE, et de la contradiction croissante entre des départements qui ont de plus en plus tendance à ne pas reconnaître la minorité des MIE les plus âgés et des tribunaux administratifs qui requalifient ces supposés majeurs en mineurs.
 
  •  Vers la fin du délit de solidarité 
Enfin, sur le délit de solidarité, le texte a évolué en cours d’examen pour tenir compte de la décision QPC du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2018 qui élève la fraternité au rang de valeur constitutionnelle. La loi du 10 septembre étend donc les exemptions pénales en faveur des personnes mises en cause sur le fondement du délit d’aide au séjour irrégulier d’un étranger aux personnes poursuivies au titre du délit d’aide à la circulation irrégulière d’un étranger.
Le Conseil constitutionnel considère en effet que cette forme d’aide peut être réprimée par le législateur, dès lors qu’est préservé le principe selon lequel "n’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace autrui, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne, à moins d’une disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace".
 
  • Renforcement de la lutte contre l’immigration irrégulière 
Sur la lutte contre l’immigration irrégulière – et en plus de diverses mesures citées supra -, la loi prévoit plusieurs dispositions nouvelles. C’est notamment le cas du passage à 24 heures – au lieu de 16 heures jusqu’à présent – de la durée maximale de retenue pour vérification du droit au séjour (avec autorisation d’inspection et de fouille des bagages).
Au passage, le texte officialise une pratique – très contestée – mise en œuvre entre autres à la frontière franco-italienne et consistant à notifier des refus d’entrée sur le territoire national, alors que cette mesure n’est en principe applicable qu’aux frontières extérieures de l’Union européenne dans le cadre des accords de Schengen. Du coup, les personnes ainsi interceptées se trouvent refoulées immédiatement, sans pouvoir bénéficier du délai d’un jour franc reconnu à toute personne concernée par une telle mesure et qui en fait la demande.
La loi du 10 septembre 2018 donne aussi à l’autorité administrative la possibilité de refuser le statut de réfugié ou d’y mettre un terme en cas de condamnation pour des faits graves dans un autre pays de l’Union européenne. Elle permet également d’assigner à résidence ou de placer en rétention des demandeurs d’asile présentant une menace pour l’ordre public.
 
  • Intégration, le parent pauvre ? 
Sur le volet "intégration" de la loi, les mesures sont assez modestes. La ligne directrice est de faciliter et d’améliorer l’accueil des talents et des compétences sur le territoire national, dans l’esprit de l’immigration choisie en vigueur dans certains pays (Canada, Australie…).
Pour cela, la loi transpose notamment la directive européenne sur les étudiants, les chercheurs et les jeunes au pair (qui bénéficieront pour l’occasion d’un statut légal), en facilitant leur entrée et leur séjour sur le territoire national. Les étudiants récemment diplômés pourront bénéficier d’une carte de séjour temporaire avec la mention "recherche d’emploi ou création d’entreprise".
La loi étend le "passeport talent" aux salariés d’entreprises innovantes et prévoit que cette carte de séjour spécifique peut être délivré aux étrangers susceptibles de participer de façon durable au développement économique, social, international et environnemental ou au rayonnement de la France.
Le texte inscrit aussi dans le parcours d’intégration républicaine un objectif d’"intégration sociale et professionnelle". Le parcours d’intégration sera ainsi renforcé par la mise en œuvre d’un accompagnement dans l’orientation professionnelle, afin de favoriser l’insertion professionnelle en même temps que l’insertion sociale.
Enfin, la loi du 10 septembre unifie les titres délivrés aux mineurs et prévoit une autorisation de travail de plein droit pour les mineurs non accompagnés justifiant d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. Elle met également en place une protection renforcée pour les victimes de la traite des êtres humains. Pour les personnes victimes de violences conjugales ou familiales, le texte prévoit un renouvellement de plein droit de la carte de séjour après l’expiration de l’ordonnance de protection.
 
 
POUR MEMOIRE RAPPEL DES PRINCIPAUX ELEMENTS DE LA REFORME DU DROIT D ASILE DE 2015 :
 
Le Parlement a définitivement adopté en juillet 2015 la réforme du droit d’asile, qui vise à réduire à neuf mois le délai de réponse à une demande. L’objectif est de ramener à neuf mois le traitement des dossiers, voire à trois mois.
Cependant, cette réforme de l’asile est également critiquée par certaines associations quant aux limites de celle-ci…
 
Les principaux points de la réforme
 
  • L’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), qui examine les dossiers au fond, voit son indépendance consacrée. Il gagne certains pouvoirs, notamment celui de pouvoir placer des demandes en "procédure accélérée" si le dossier paraît devoir être accepté de façon évidente. L’Ofpra pourra à l’inverse remettre en procédure normale des personnes placées en procédures accélérées par la préfecture.
 
  • En application des règles européennes, l’étranger pourra venir accompagné d’un avocat ou d’un représentant d’association à l’entretien à l’Ofpra, qui devra être retranscrit. L’attestation de demande d’asile vaudra "autorisation provisoire de séjour".
 
  • La Cour nationale du droit d’asile (CNDA), dont la suppression avait été évoquée, reste compétente pour l’examen des recours qui deviennent suspensifs pour tous les demandeurs (c’est-à-dire que même ceux placés en procédure accélérée ne pourront pas être expulsés jusqu’à la décision de la CNDA).La Cour doit désormais statuer dans un délai de cinq mois, voire de cinq semaines avec un juge unique pour les procédures accélérées.
 
  • L’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) devient responsable des conditions de vie du demandeur : il gère les allocations pour demandeurs d’asile (jusqu’ici versées par Pôle emploi); il attribue les places d’hébergement. Si un demandeur d’asile refuse l’hébergement proposé par l’Ofii, il peut perdre son allocation. L’accès au marché du travail pourra lui être autorisé au bout de neuf mois.