ANALYSE. Grâce à la volonté du Premier ministre socialiste, les homos portugais pourraient très bientôt se voir offrir la possibilité de se «marier»… Mais peut-être pas d’adopter. A suivre.
Deux ans après la dépénalisation de l’avortement, le Portugal pourrait légaliser rapidement le mariage des couples homosexuels, inscrit au programme du nouveau gouvernement socialiste présenté jeudi devant le parlement.
«A l’exception de certains secteurs plus militants, il existe une certaine indifférence généralisée sur cette question qui semble moins fracturante» qu’il y a quelques années, constate José Palmeira, professeur de sciences politiques de l’Université du Minho. Le sociologue Joao Manuel Oliveira partage cette analyse: selon lui, la société portugaise a évolué depuis la Révolution des Oeillets en 1974, qui a mis un terme à plus de 40 ans de dictature, et a atteint «un point de maturité». «Cette question s’inscrit dans la continuité d’un processus démocratique qui a débuté le 25 avril (1974) mais n’a pas apporté de réponses aux questions de société liées à la démocratisation de l’intime», estime-t-il.
Pas de référendum sur le sujet
«Contrairement à la dépénalisation de l’avortement qui a nécessité deux référendums – le premier, en 1998, avait vu la victoire du «non» avant que le «oui» l’emporte en 2007 –, José Socrates a exclu cette fois-ci l’organisation d’une consultation populaire réclamée par une partie de la droite, des socialistes catholiques et par l’Eglise.
«J’ai assumé cette proposition dans mon programme électoral, je l’ai défendue en débat public. J’ai donc une totale légitimité pour la proposer et la faire approuver par ce parlement», a déclaré jeudi le Premier ministre lors de la présentation de son programme au parlement.
«Un geste» envers les homosexuels «mal traités»
M. Socrates, qui a perdu la majorité absolue lors des dernières législatives du 27 septembre, compte s’appuyer sur les voix de l’ensemble des partis de gauche, favorables au mariage gay et majoritaires au parlement. Le chef du gouvernement a rappelé que ce projet de loi était «un geste» à l’endroit des homosexuels que sa génération «a mal traités».
Pour autant, M. Socrates n’a pas mentionné la question de l’adoption par les couples homosexuels, qui ne figure pas dans son programme et ne devrait par conséquent pas figurer dans son projet de loi comme le réclament les Verts et le Bloc de gauche (BE, extrême gauche).
L’Eglise reste en retrait
Jusqu’à présent, la question du mariage homosexuel n’a guère fait polémique et avait été éclipsée pendant la campagne des législatives, dominée essentiellement par les problèmes économiques du pays. Le thème ne figurait même pas dans le programme du Parti social-démocrate (PSD, centre-droit), principale formation d’opposition, qui n’a toujours pas pris de position officielle et est divisé sur ce sujet.
L’Eglise s’est elle aussi montrée assez discrète dans un pays qui se dit catholique à plus de 90%. La conférence épiscopale portugaise, qui a réclamé cette semaine «un débat clarificateur» et un «référendum», a assuré qu’elle ne donnerait pas de consigne de vote aux fidèles catholiques.
Un débat parlementaire très bientôt
«Je crois que l’Eglise préfère laisser le rôle d’opposition à ce projet aux associations "pro-vie", comme lors du référendum sur l’avortement. Elle préfère éviter la médiatisation afin de ne pas être accusée d’interférer dans les affaires de la République», estime le militant des droits des homosexuels Miguel Vale de Almeida, nouvellement élu député socialiste.
Des associations ont déjà annoncé des pétitions contre le projet de loi qui, selon des sources proches du PS, devrait être présenté au parlement dans les prochaines semaines.
S’il est adopté, le Portugal rejoindrait la liste des pays qui ont déjà autorisé le mariage gay, comme l’Afrique du Sud, le Canada, l’Espagne, la Belgique, la Norvège, la Suède ou encore les Pays-Bas.
Par Lévi Fernandes (AFP). Photo: DR.