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 d’ADHEOS

Le premier ministre fédéral, Justin Trudeau, souhaite que le Québec s’inspire plus rapidement de la décision rendue mercredi par Santé Canada qui donne le feu vert au don de sang des hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes, ce qui n’est pas dans les cartons d’Héma-Québec avant 2023.

Patrick Nadeau se souvient par cœur de la question incluse dans le formulaire d’Héma-Québec, qu’il a lue adolescent, qui visait à interdire aux hommes homosexuels, comme lui, de donner de leur sang.

« Je m’étais dit qu’un jour, ça allait m’exclure du bassin de donateurs », raconte l’homme qui habite aujourd’hui Ottawa. Il a la ferme intention de se relever la manche pour donner de nouveau du sang dès que cela lui sera permis, soit d’ici le 30 septembre 2022. S’il vivait au Québec, il lui faudrait encore plus de patience.

De l’autre côté de la rivière des Outaouais, la collecte de sang est effectuée par Héma-Québec, qui n’accepte pour l’heure que le plasma sanguin des hommes homosexuels, et non leur sang, au moins jusqu’en 2023. Partout ailleurs au pays, le précieux liquide est recueilli par la Société canadienne du sang (SCS), qui vient d’obtenir de Santé Canada l’élimination de la période d’exclusion des hommes homosexuels qui sont dans une relation stable, par exemple.

La SCS remplacera ses formulaires de don de sang par des questions plutôt axées sur les comportements sexuels très risqués, peu importe l’identité de genre ou l’orientation sexuelle du donneur. Selon les règles actuelles, le sang des hommes qui ont eu des relations sexuelles avec un autre homme dans les trois derniers mois n’est pas accepté.

Pas assez rapide, juge Trudeau

Par courriel, Héma-Québec a qualifié la décision de Santé Canada mercredi de « bonne nouvelle » pour son plan d’inclure les hommes homosexuels dans ses collectes de sang en deux étapes : la première consiste en leur admissibilité aux dons de plasma, et la deuxième, aux autres types de dons, notamment de sang et de plaquettes. Cette dernière étape est prévue en 2023.

Cela survient trop tard aux yeux du premier ministre du Canada, Justin Trudeau.

« J’espère qu’Héma-Québec va pouvoir en faire autant [que la Société canadienne du sang] le plus rapidement possible, parce qu’effectivement, ça ne serait pas juste que les Canadiens partout au pays sauf au Québec voient une fin à cette discrimination, mais que ceux au Québec doivent attendre un peu plus longtemps », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse, mercredi.

Il a toutefois rappelé qu’Héma-Québec était une agence indépendante, et a dit que le fédéral « fait ce qu’il peut ». Même si le gouvernement Trudeau avait précisément promis un élargissement du don de sang aux homosexuels en 2015, Ottawa ne pouvait pas, dans les faits, modifier les formulaires. Il s’est finalement contenté de financer la recherche sur la question.

Pour rendre sa décision, Santé Canada dit avoir fait un « examen approfondi des données probantes à l’appui de l’innocuité de la sélection revue des donneurs », en se basant sur l’avis d’experts. L’organisme peut accepter ou refuser les demandes qui lui sont présentées par Héma-Québec ou la SCS.

Interdiction « indéfendable »

Héma-Québec s’expose à des plaintes pour discrimination s’il n’emboîte pas le pas au changement qui s’opère ailleurs au pays, croit un avocat de Toronto qui a représenté un plaignant auprès du Tribunal canadien des droits de la personne dans une cause sur les politiques de don de sang.

« Ça devient indéfendable, du point de vue scientifique, d’exclure les hommes gais et bisexuels des dons de sang au Québec », soutient Me Gregory Ko, en entrevue au Devoir.

Il fait valoir que la recherche scientifique qui juge sans danger les dons de sang de cette population est tout aussi valide au Québec qu’ailleurs au pays. « J’imagine que les délais de la part d’Héma-Québec devront être réexaminés dans un contexte où ce n’est plus justifiable », espère-t-il.

L’exclusion des hommes homosexuels des collectes de sang, d’abord conçue comme une exclusion à vie, a été mise en place à la suite du scandale du sang contaminé par le VIH dans les années 1980 et 1990. Les règles ont changé dans les années 2010 pour permettre aux homosexuels de donner du sang s’ils n’avaient pas eu de relations sexuelles avec d’autres hommes depuis une certaine période, progressivement réduite pour atteindre trois mois d’abstinence en 2019. Des groupes de patients défendent ce système axé « sur la prudence » pour les personnes malades devant recevoir du sang.