Hier se tenait à Paris le grand Meeting pour l’égalité. Devant une salle comble et surchauffée, les candidats à la présidentielle ont exposé leurs projets en matière de droits LGBT. Retour sur une soirée agitée.
Samedi, aux Folies Bergère, la soirée a eu un air de grand soir LGBT. Pour la première fois, une majorité d’associations faisait événement commun et organisait un meeting, dans le cadre de la campagne Egalité 2012. Et cet événement inédit a mobilisé: la salle, qui peut accueillir jusque 1600 personnes, était pleine, principalement de militants, venus de toute la France.
Pendant 5 heures, ont défilé sur scène associatifs, artistes, les Sœurs de la perpétuelle Indulgence et people, comme Arielle Dombasle. Mais les moments les plus attendus étaient les grands oraux des politiques, qui ont eu, chacun, 15 minutes pour convaincre.
Les principaux partis étaient là, à l’exception du Front National, qui n’avait pas été invité. «Le FN vote contre toutes les lois sanctionnant l’homophobie et s’oppose aux associations LGBT, justifie d’emblée Nicolas Gouguain, porte-parole de l’Inter-LGBT. Ce parti ne combat aucune discrimination et n’est pas comme les autres. Nous voulons argumenter face à eux, lors de débats sur le terrain, mais nous ne souhaitions pas leur donner la parole.»
Les autres ont eu droit à leur quart d’heure de gloire ou de déroute, devant une salle attentive et particulièrement réactive. Retour, par ordre d’apparition, sur chacune de leur prestation.
Fadila Mehal, Modem, la plus floue
Aussi bavarde que vague, la représentante de François Bayrou a rapidement fait décrocher la salle. Fadila Mehal, responsable des questions d’intégration et d’égalité des chances au Modem, a longuement disserté sur les grands principes qui lui tiennent à cœur, laissant le public songeur. Au moment d’arriver à ses propositions, les spectateurs poussent un Ah de soulagement. Au pouvoir, le Modem créera un Ministère de l’égalité, facilitera le changement d’état civil pour les trans ou reconnaitra les liens des enfants nés de la GPA. Mais François Bayrou reste opposé au mariage et lui préfère un Contrat d’union civil, qui donnera les mêmes droits.
Fadila Mehal se dit plus ouverte que son chef, mais se plie à son avis. «Il a beaucoup avancé et il est entouré de personnes qui ont cet engagement chevillé au cœur. Le mariage homosexuel peut choquer et il est lui-même très croyant» explique-t-elle, réveillant d’un coup la salle qui scande Laïcité. Autre point de conflit : les franchises médicales pour les personnes atteintes de maladie longue durée. Pour interdire toute avancée, elle évoque le problème de la dette. Sur le reste, elle retrouve le flou. «Je ne vais pas faire un catalogue comme la Redoute, mais les problèmes dans le domaine de la santé, de l’éducation ou de l’emploi sont très importants.»
Najat Vallaud-Belkacem, PS, la plus à l’aise
Coutumière des réunions LGBT, Najat Vallaud-Belkacem a fait une entrée de star, soulevant un tonnerre d’applaudissements. «François Hollande aurait sincèrement aimé être là, mais il est en déplacement Outre-Mer. Je suis très fière et heureuse de le représenter sur des sujets qui me sont chers.» «On la préfère elle», sourit une quinquagénaire tandis que la porte-parole du candidat socialiste rappelle que, depuis 10 ans, la France n’a connu aucune avancée en matière de droits LGBT, que «les engagements de François Hollande sont anciens», et que la gauche serait l’alliée historique des homos. «Les socialistes sont fiers d’avoir pris part à votre combat», lance-t-elle, en citant les autres responsables du PS, comme la maire de Montpellier Hélène Mandroux, présents aux Folies Bergère.
Concrètement, elle décline les promesses du PS, notamment l’ouverture du droit au mariage et à l’adoption. «Ce n’est pas un effet de mode», affirme-t-elle, en réponse aux déclarations de Nicolas Sarkozy. Autres engagements: donner un statut aux coparents, reconnaître la transphobie et permettre le changement d’état civil sans condition médicale, autoriser les homos à donner leur sang, sensibiliser les fonctionnaires à l’homophobie ou soutenir la dépénalisation universelle de l’homosexualité. Interrogée sur l’application de ces mesures, elle garantit qu’elles seront effectives avant le printemps 2013. «Nous les lancerons dès que nous serons élus, simultanément, pour créer un élan. Mais il faut le temps que les débats se fassent dans de bonnes conditions», explique-t-elle, portée par les applaudissements d’une salle conquise.
Geoffroy Didier, UMP, le plus hué
Les réunions LGBT deviennent trop périlleuses pour l’UMP et aucun ténor ne s’y déplace. Ce soir, le sacrifié du parti était Geoffroy Didier, conseiller régional d’Ile-de-France. Dès son entrée en scène, il provoque des huées, qu’il ne parviendra pas à calmer. «J’ai eu le courage de venir, commence-t-il. Nous pouvons ne pas être d’accord mais laissez moi 5 minutes pour m’exprimer.» Il assure que «Nicolas Sarkozy respecte les orientations sexuelles de chacun» mais qu’il s’oppose au mariage homo, car «il défend l’équilibre d’une société où la cohésion est fragile. Le mariage est une institution. Nous voulions faire le Contrat d’Union civil mais les juristes nous ont dit qu’il était inconstitutionnel.»
Dans la salle, les esprits s’échauffent et le ton monte de plusieurs crans. De nombreux militants, contenus par les animateurs, huent et scandent en chœur Boutin, Vanneste, Menteur ou Sarko ça suffit. Le niveau sonore explose, le public se lève, mais Geoffroy Didier reste calme, indifférent. Entre les sifflets, il récite son discours. Faute de propositions, il estime que «des choses ont été faites depuis 2002», et cite «la lutte contre l’homophobie», la «pénalisation des injures homophobes», ou la création de la Halde (ndlr : supprimée depuis au profit du défenseur des droits). Alors qu’il vante la situation des homos en France, en comparaison aux pays qui les condamnent, la salle s’embrase et martèle Egalité. Seule annonce du côté de la droite : la célébration du PACS en mairie, toujours refusée par de nombreux élus UMP. «Ce que je dis ne vous fait pas plaisir, conclut Geoffroy Didier. Mais merci de votre écoute.»
Eva Joly (ci-dessus), Europe-Ecologie Les Verts, la plus précise
Concise et précise, Eva Joly a plutôt séduit le public, suscitant, ici et là, quelques «On t’aime, Eva.» «Nous attendons depuis trop longtemps l’égalité et la justice», entame-t-elle. Mais les envolées lyriques laissent vite la place aux réponses courtes et concrètes. Elle se projette dans le premier conseil des ministres qu’elle présidera. Un projet de loi, instaurant l’égalité d’accès au mariage et à l’adoption, sera déposé. A partir de là, les autres droits s’imposeraient, pour l’adoption simple ou plénière, les droits du conjoint, et la reconnaissance de la coparentalité.
Pour chaque sujet, elle souhaite « une simplification ». Ainsi, les personnes trans pourront changer d’état civil sur demande, sans avis médical ni psychiatrique. Les franchises médicales seront supprimées, la lutte contre l’homophobie accentuée à l’Education nationale et le délai de prescription pour les actes homophobes allongé. Elle plaide également pour que la diplomatie et les accords commerciaux avec des pays étrangers soient conditionnés au sort qu’ils réservent aux homos. Son seul doute porte sur la multiparentalité. «Il faut agir progressivement et qu’un débat ait lieu», justifie-t-elle. Enfin, elle rappelle que le premier mariage homo a été célébré par un Vert, Noël Mamère. «Vous pouvez compter sur moi et moi je compte sur vous», clame-t-elle.
Jean-Luc Mélenchon, Front de Gauche, le plus applaudi
A l’applaudimètre, il est le vainqueur de la soirée, le seul à avoir eu droit à une standing ovation de la moitié de la salle. En verve, il a misé sur un discours conceptuel, plus que sur un exposé de promesses. Il l’admet : à la base, il est un «macho méditerranéen» et «les mouvements LGBT n’étaient pas son monde». Mais, de rencontres en réflexions, il aurait compris que l’identité était la plus grande liberté, le «fondement universel de l’être humain». Maintenant, il est pour toute «dépsychiatrisation, déjudiciarisation, dépathologisation», des questions LGBT et a pour «adversaire, la structure culturelle du patriarcat.»
Pour lui, «l’égalité, c’est fastoche.» Provocateur, il lance, agaçant quelques personnes et faisant rire la majorité: «puisque vous vous êtes tous entichés de nuptialité, nous ouvrirons le mariage laïc» aux LGBT et il rêve d’une nouvelle révolution, «où les privilèges (hétérosexuels) seront abolis». Couvert d’applaudissements, il annonce que, dans sa 6e république, tous les couples auront les droits identiques à ceux des couples hétéros. Puis il questionne la salle: «Le mouvement LGBT peut apprendre beaucoup à la société et doit se demander comment il peut participer à notre émancipation collective.» Et il n’oublie pas de tacler ses adversaires : «toutes les avancées, comme la formation des fonctionnaires ou l’amélioration de la prévention à l’Education Nationale, comment feront-ils s’ils ne veulent pas dépenser un euro? Ces réformes sont incompatibles avec l’austérité.» Au moment de partir, les Mélenchon Président fusent d’un peu partout.