Alors que nos associations se sont réjouies de la récente décision du Tribunal de grande instance de Chambéry d’autoriser le mariage de Mohammed et Dominique, un couple de même sexe franco-marocain, c’est avec colère qu’elles ont appris que le parquet fait appel de cette décision.
Une telle décision du ministère public est en totale contradiction avec les récentes déclarations de la Garde des Sceaux devant la représentation nationale et entretient une insécurité juridique inadmissible dans un Etat de droit. Pour nos associations, il est urgent et nécessaire que Mme Taubira mette fin à cette situation scandaleuse et qu’elle affirme clairement que la loi "mariage pour tous" modifie effectivement l’ordre public international français et permet l’éviction des conventions bilatérales limitant l’accès au mariage. La circulaire du 29 mai 2013 doit notamment être révisée afin de ne plus mentionner les onze conventions bilatérales qui servent actuellement à justifier cette rupture d’égalité entre les couples.
Le 10 septembre 2013, Mme Taubira a affirmé devant le Sénat être "bien déterminée à sortir de cette situation de blocage", rappelant également que "c’est tout de même sous les auspices de l’égalité que la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a été adoptée aussi bien par les députés que par les sénateurs." Il est donc consternant d’apprendre que c’est sur la base de la circulaire du Garde des sceaux du 29 mai 2013 que le Parquet général justifie son opposition à la décision du Tribunal de grande instance de Chambéry, situation qui contribue au blocage des mariages de certaines personnes en défendant le principe de l’application des conventions bilatérales interdisant le mariage aux couples de même sexe dont l’un des membres est issu d’un des onze pays étrangers concernés.
Dans sa décision de la semaine passée, le Tribunal de grande instance de Chambéry soulignait que la loi Taubira "a implicitement mais nécessairement modifié l’ordre public international français, de sorte qu’une discrimination à l’accès au mariage fondée sur le sexe justifie l’éviction de l’article 5 de la convention franco-marocaine". Cette convention, ainsi que 10 autres signées par la France, prévoit, au nom du principe de la "loi personnelle", l’application de la loi matrimoniale étrangère à la personne étrangère, quand bien même celle-ci souhaite se marier selon le droit français. Pour nos associations, l’inégalité créée entre les couples par ces conventions est inacceptable et l’Etat français doit mettre en œuvre les mesures nécessaires pour assurer l’égalité effective entre tous les couples souhaitant se marier.
Depuis leur rendez-vous à la Chancellerie le 5 septembre 2013, nos associations n’ont noté aucune évolution positive de la situation des couples binationaux concernés et s’inquiètent de l’incapacité du Ministère de la Justice à mettre en application les intentions qu’il affiche. Au contraire, le silence dans lequel le gouvernement s’enferre sur cette question marque un mépris inacceptable pour les couples concernés et renforce l’inquiétude de nos associations sur la sincérité de l’engagement gouvernemental en faveur de l’égalité des droits.
Aujourd’hui, nos associations demandent solennellement à Mme Taubira d’adopter une nouvelle circulaire permettant aux couples de même sexe de se marier en France quelle que soit la nationalité des intéressé.e.s. La Ministre tiendrait ainsi ses promesses et garantirait le respect des engagements internationaux pris par la France en matière d’égalité des droits et de non-discrimination.
- Associations signataires
Ardhis, Amoureux au ban public, ADDE (Avocats pour la défense des droits des étrangers), Cimade, Gisti, Act Up-Paris, ADHEOS Centre LGBT Poitou-Charentes, L’Autre Cercle, Bi’Cause, Centre LGBT Île-de-France, David et Jonathan, Fédération LGBT, Français du monde – ADFE, GLUP, Inter-LGBT.