Le proposition de l’ancien ministre UMP Laurent Wauquiez se heurte à un obstacle de taille : la Constitution.
Et pourquoi pas un référendum sur le mariage homosexuel ? La proposition est reprise ces derniers jours à droite, notamment par l’ancien ministre UMP Laurent Wauquiez. Le député a annoncé dimanche 6 janvier son intention de déposer la semaine prochaine une "motion référendaire". Les parlementaires demanderaient ainsi au président de la République de soumettre le projet de loi "mariage pour tous" au suffrage des Français.
Politiquement, l’idée n’est pas malhabile. Elle évite d’attaquer frontalement une mesure qui reste populaire : 58% des Français sont favorables au mariage pour les couples homosexuels, selon un sondage LH2-"Le Nouvel Observateur" réalisé en octobre, et même 60% selon une enquête Ifop publiée par le "JDD" avant Noël. Et les Français ne demandent pas mieux que de se rendre aux urnes. 69% pensent qu’ils "doivent être appelés à décider par référendum", selon un sondage Ifop pour "Valeurs actuelles" du 3 janvier.
Sauf que ce n’est pas prêt d’arriver. Car l’usage du référendum en France est soumis à des conditions bien précises, qui figurent dans l’article 11 de la Constitution :
Le président de la République (…) peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions."
"On dit que le droit est compliqué, mais pour une fois, il est très simple !", commente le constitutionnaliste Dominique Rousseau. "D’un point de vue constitutionnel, l’article 11 ne permet pas d’organiser de référendum sur le mariage homosexuel."
"Un référendum n’est pas possible"
Même avis de son confrère Guy Carcassonne : "Un référendum n’est pas possible. Il est difficile de soutenir que le mariage homosexuel relève d’une politique économique, sociale ou environnementale, de la ratification d’un traité ou de l’organisation des pouvoirs publics…" Le constitutionnaliste Didier Maus confirme. "C’est la distinction sémantique entre social et sociétal. Pour moi, le mariage n’est pas dans le champ du social. J’attends de voir comment Laurent Wauquiez va justifier sa position…"
Et pas question de prendre des libertés avec la Constitution, comme en 1962, quand le président de Gaulle avait consulté les Français sur l’élection du président de la République au suffrage universel. "Depuis, le rôle du Conseil constitutionnel a évolué", souligne Guy Carcassonne, "il serait immanquablement saisi sur les décrets portant organisation du référendum".
"C’est de bonne guerre"
A cet obstacle juridique s’ajoute un obstacle politique. "Il faut souligner que la proposition de Laurent Wauquiez n’a aucune chance d’aboutir", reprend Didier Maus. "On voit mal l’Assemblée nationale et le Sénat la voter. Mais c’est de bonne guerre. Cela fait parler de lui, cela agite les esprits, et cela correspond sans doute à une demande des Français. Et puis, n’oublions pas que déposer une motion pour demander l’organisation d’un référendum vous donne un temps de parole supplémentaire à la tribune de l’Assemblée. D’un point de vue tactique, l’intérêt est évident."
- Source Le Nouvel Obs