Le mariage des couples homos est examiné à partir de cet après-midi au Sénat, où l’adoption du projet de loi se jouera à une poignée de voix. Revue des forces en présence.
Le débat débutera à 16h aujourd’hui, et doit durer jusqu’au 12 ou 13 avril. Après le passage mouvementé par l’Assemblée nationale, qui s’est finalement
en faveur du projet de loi sur le mariage et l’adoption pour tous, c’est au tour du Sénat de débattre du texte.
Près de 280 amendements et 3 motions de procédures UMP visant à repousser le texte ont été déposées, loin des plus de 5.000 amendements enregistrés à l’Assemblée lors de la première lecture du texte. L’UMP pourrait déposer également une motion référendaire visant à demander un référendum sur le sujet.
Procès ce matin
Les opposants au mariage pour tous espèrent de leur côté peser sur les débats avec des méthodes dignes d’un véritable harcèlement: prières de rue, manifestations bruyantes, ils étaient même au domicile de la sénatrice UDI Chantal Jouanno dès l’aube. Ils ont annoncé qu’ils descendraient de nouveau dans la rue jeudi – deux manifestations distinctes auront lieu à proximité du palais du Luxembourg.
Ce matin, c’était à la 17ème du tribunal de grande instance de Paris que l’affrontement avait commencé: le sénateur PS Jean-Pierre Michel comparaissait pour «diffamation» après la lettre qu’il avait envoyée à Frigide Barjot et à La Manif pour tous. Le premier avait écrit que le collectif anti-mariage pour tous représentait «la pire des homophobies», des propos «stupéfiants» dans un débat sur une «question anthropologique déterminante», pour le conseil de Frigide Barjot. Le sénateur a argumenté en retour que son texte était «prudent dans l’expression» et «ne dépasse pas les limites de la liberté d’expression». Le délibéré sera connu le 18 avril.
Majorité courte
L’adoption du texte au Sénat ne sera pas aussi aisée qu’à l’Assemblée nationale. La gauche ne dispose que de 6 voix de majorité sur la droite et si toutes ses composantes, communistes compris, sont unies pour approuver le mariage pour tous, des défections individuelles sont attendues dans leurs rangs.
Au RDSE (à majorité radicaux de gauche), Jean-Pierre Chevènement hésite entre ne pas prendre part au vote et l’abstention, et Gilbert Barbier, adhérent de l’UMP, votera contre. Le président du PRG, Jean-Michel Baylet, ayant fait de cette question, comme de celle du cannabis, un marqueur de sa campagne lors de la primaire pour la présidentielle, il devrait convaincre d’autres élus réticents sinon à voter pour, du moins à s’abstenir.
Chaise vide
Plus floue est la position des élus d’outre-mer, en général très opposés, y compris à gauche, pour des raisons culturelles ou religieuses. Mais certains pourraient choisir la politique de la chaise vide et ne pas venir voter. Le sénateur apparenté PS de Martinique Maurice Antiste vient d’annoncer qu’il va s’abstenir.
A droite, des «défections» sont aussi prévues, ce qui compense celles de gauche. A l’UMP, Jacqueline Farreyrol, Alain Millon, Fabienne Keller, Christian Cointat et Christophe-André Frassat ont annoncé un vote pour. D’autres devraient s’abstenir, comme Roger Karoutchi ou Alain Fouché. Chez les centristes de l’UDI-UC, Chantal Jouanno votera pour et certains ont évoqué l’abstention, comme Muguette Dini, Valérie Létard ou Vincent Capo-Canella.
Deux voix d’écart
Mais ces élus de droite qui hésitent pourraient basculer dans le camp du non ou du oui, en fonction du déroulement des débats et de la pression des opposants. «Il y a deux voix d’écart. Le projet peut être rejeté dès le Sénat», veut espérer Frigide Barjot, porte-parole du collectif La Manif pour tous.
«Elle joue à se faire peur, le texte a été adopté en commission des lois avec 2 voix de l’UMP et en commission des Affaires sociales avec les voix de Chantal Jouanno et Alain Millon», réplique le patron des sénateurs PS, François Rebsamen.
«Pas de flibusterie»
«Ce texte incarne des valeurs fondamentales auxquelles la société française est attachée, l’égalité des droits pour tous les couples et toutes les familles, la liberté de vivre ensemble, et la fraternité, c’est-à-dire la tolérance à l’autre», ajoute-t-il.
Les débats devraient être sans concession, mais moins exacerbés qu’au Palais Bourbon. Le groupe UMP opposera des arguments constitutionnels au mariage homosexuel et proposera à la place une «union civile» et l’ouverture de l’adoption simple aux couples de même sexe, a annoncé son président Jean-Claude Gaudin. «Nous ne ferons pas de la flibusterie», a insisté Patrice Gélard, orateur principal de l’UMP.
PS contre la PMA
Les Ecologistes et le CRC (communistes) ont chacun déposé un amendement visant à la reconnaissance de la PMA (procréation médicalement assistée). Le PS votera contre.
L’article 1er, qui légalise le mariage des homosexuels, pourrait être voté conforme, c’est-à-dire sans modifications mais pas le reste du texte, le rapporteur Jean-Pierre Michel (PS) ayant fait voter des amendements en commission lors de l’examen préalable du texte notamment sur la filiation, afin de parer certains risques d’inconstitutionnalité.
- Source TETU