La loi devrait passer au premier trimestre de l’année 2013. Le mariage pour tous et la question de l’adoption font débat, entre manifestations, cacophonie au PS et débats animés entre amis. Certains sont pour, d’autres contre, certains s’en fichent et d’autres "tolèrent" cette union. Pour notre chroniqueuse, cette tolérance a des relents d’homophobie.
Je ne suis pas lesbienne. Ni bi d’ailleurs. Certains m’ont déjà affirmé – sans doute avec raison – que mon engagement pour ce qu’on appelle la "cause gay" venait du fait que ma propre sœur est lesbienne.
Cette raison est probablement l’une des causes principales de mon choix. Cependant, j’ai été amenée à me demander si je me battais pour ma sœur ou pour des convictions valides. Les raisons intellectuelles de mon engagement sont au moins aussi vivaces que le sont mes raisons émotionnelles.
Le débat du mariage pour tous
Beaucoup me répondront que le principe d’égalité des droits ne s’applique qu’aux individus et non aux couples. Pourtant je ne peux me défaire de l’idée que refuser à un couple homosexuel la possibilité de se marier ou d’adopter un enfant est un déni fondamental des droits auxquels tout citoyen français devrait pouvoir accéder.
Malgré ma conviction concernant le mariage pour tous, je sais parfaitement que la réponse à la question n’existe pas : aucun des deux camps n’a raison ou tort puisqu’aucun des deux camps n’a le même référentiel moral.
L’un considère le refus d’autoriser le mariage pour tous comme une atteinte aux droits d’une communauté discriminée par sa sexualité, l’autre met en exergue le couple homme-femme, cellule primaire de la reproduction. Ces deux valeurs sont discutables et elles se justifient toutes les deux.
Le débat est grand ouvert et il est intéressant de se plonger dedans, quitte à se noyer dans le flot de commentaires rageux d’internautes ou dans les articles journalistiques dépourvus de cohérence.
Ces homophobes que vous connaissez
Et c’est en s’y plongeant justement, qu’on s’aperçoit pour la première fois, et avec la plus grande violence, que les homophobes ne sont pas seulement ces êtres rustres, ces trolls ou ces fanatiques du Civitas. Non, de façon plus pernicieuse, les homophobes sont aussi ces individus finalement très normaux que vous rencontrez tous les jours.
Peu à peu, les affirmations de connaissances ou d’amis commencent à trouver leur point commun : ils s’en fichent, le débat les ennuie, ils en entendent trop parler.
Ils s’empressent d’ajouter que non, ils ne sont pas homophobes. Non, non, ils ont des amis gays vous savez. De toute façon, eux, ils ont pleuré devant "Tomboy" et ils ont ri devant "I love you Philipp Morris", alors les homos, ça les connaît. Homophobes, eux ? Non !
La phrase qui revient le plus souvent c’est : "Le mariage gay ça ne me gêne pas. Après, l’adoption, tout ça… c’est autre chose". Une chose alors : si refuser le droit au mariage des homosexuels est un acte homophobe, alors déclarer qu’on tolère seulement la légalisation du mariage des homosexuels revient à une homophobie latente.
Ce débat complètement polarisé sur le mariage pour tous a, au moins, eu le mérite de révéler les homophobes qui se cachent parmi vous : ce sont ceux qui veulent avoir le label gay-friendly estampillé sur le front en affirmant que "le mariage gay ne [les] gêne pas", mais qui, simultanément, nuancent : "L’adoption, la PMA… c’est quand même un peu plus borderline".
S’autoproclamer non-homophobe et déclarer en même temps sa "tolérance" envers le mariage pour tous est une véritable contradiction. Imaginez un de vos amis déclarer qu’il ne se considère pas comme raciste mais qu’il se sent "gêné" par les mariages mixtes, comment réagiriez vous ?
Laisser tomber le confort, se battre pour ses droits
Je pense à ceux qui reçoivent depuis déjà quelques mois le reflux de siècles d’intolérance via les médias. Ceux qui entendent tous les jours un expert les traiter d’inadaptés à la vie familiale, de toxiques pour la vie d’un enfant, de signes avant-coureurs de la fin d’une civilisation…
Je pense à ces individus, je pense à la souffrance de ne pas être aux normes d’une société qui ne vous reconnaît pas, je pense à la violence des paroles, celles qui les traitent directement de déséquilibrés ou celles, plus insidieuses, qui leur expliquent qu’ils ne sont que tolérés et supportés.
Je pense à ces individus dont les droits ne sont pas les miens, ceux pour qui le mot mariage revêt un sentiment d’impossible, ceux pour qui les démarches sont toujours plus difficiles.
Je pense à eux, à leurs difficultés, à leur lutte, et je pense à ceux qui, munis de leurs droits fermement acquis, déclarent que leur confort doit être traité avec délicatesse.
J’ai du mal à concevoir qu’une bonne poignée de la population puisse envisager une lutte pour l’égalité des droits comme une question de confort. Ne soyez pas gênés, défendez !
Il ne s’agit pas du combat des gays, il s’agit du combat de l’égalité des droits des citoyens devant l’État. Battez vous pour eux et pour vous !
Ils ou elles ne demandent pas à être seulement tolérés et soumis à votre indulgence, ils ou elles demandent à avoir votre respect. Défendez-nous, et donc, défendez vous!
- Source NOUVEL OBS