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 d’ADHEOS

Le corps de Jesús Ociel Baena Saucedo, première personne au Mexique à détenir un passeport non-binaire, a été retrouvé à son domicile lundi 13 novembre. Les sympathisants de la cause LGBT+ ont manifesté en dénonçant le «crime passionnel» évoqué par les autorités.

Colère et indignation ébranlent la communauté LGBT+ mexicaine. Ce lundi 13 novembre, la première personne au Mexique à avoir reçu un passeport non-binaire – ne précisant pas le sexe du titulaire –, Jesús Ociel Baena Saucedo, a été retrouvée morte. Militants de la cause et associations de défense des droits de l’homme exigent qu’une enquête soit menée pour déterminer si le décès de la victime est lié à son identité sexuelle et de genre.

Le corps de Jesús Ociel Baena a été retrouvé dans une habitation à Aguascalientes, dans le centre du pays, aux côtés de celui de son partenaire, identifié comme Dorian Daniel Nieves Herrera par un média local. Sa mort pourrait être liée à «une affaire de nature personnelle» a précisé le parquet de l’Etat d’Aguascalientes, faisant allusion à un possible crime passionnel. «Nous ne savons pas encore s’il s’agit d’un homicide… ou d’une sorte d’accident», a déclaré de son côté la ministre mexicaine de la Sécurité, Rosa Icela Rodríguez Velázquez.

La présence d’une troisième personne sur les lieux a été écartée. «Un objet tranchant» a été retrouvé «dans la main d’une des victimes», dont les corps présentaient des «blessures causées par des lames de rasoir», rapporte le journal mexicain Excelsior, citant le parquet. Une enquête et une analyse médico-légale sont en cours pour déterminer les causes des décès.

«Crime passionnel, mensonge national !»

Ces premières explications ont été contestées par plusieurs centaines, voire milliers de militants ou de proches de la communauté LGBT+. Ils se sont rassemblés dès lundi soir à Mexico pour une manifestation en l’honneur de Jesús Ociel Baena, scandant «Crime passionnel, mensonge national !» Dans la capitale, comme à Aguascalientes, Monterrey et dans d’autres grandes villes du pays, la lueur des bougies éclairait la foule réunie pour une veillée. Le cortège fourni de drapeaux arc-en-ciel a, pour partie, terminé sa marche sous les fenêtres du Palais national, siège de la présidence, au cri de «justice».

«En moins de 24 heures, les autorités ont affirmé qu’il s’agissait d’un crime passionnel, quand elles ne disposaient toujours pas des éléments nécessaires, quand elles n’avaient pas mené les enquêtes correctes et nécessaires, ce qui confirme ce que nous soutenons depuis le début, a fustigé Orlando Gutiérrez, leader d’un collectif LGBT+, à propos de l’enquête réalisée par le parquet d’Aguascalientes dans les colonnes d’Excelsior. La discrimination est toujours présente dans tous les types d’ordres.»

«Nous avons perdu une voix puissante pour l’égalité et les droits des personnes LGBT+», s’est ému l’ancien président de la Cour suprême du Mexique, Arturo Zaldívar Lelo de Larrea, dans un message publié sur les réseaux sociaux.

Porte-éventail arc-en-ciel

Jesús Ociel Baena Saucedo, 38 ans, se déclarait non-binaire – ni homme, ni femme. En octobre 2022, Baena devenait la première personne non-binaire à accéder à la magistrature dans un tribunal électoral au Mexique, dans l’Etat d’Aguascalientes. Le 17 mai dernier, journée internationale de lutte contre l’homophobie, la biphobie et la transphobie, le premier passeport non-binaire du pays lui avait été remis. L’ex-ministre des Affaires étrangères, Marcelo Ebrard, avait alors salué un «jour historique». Les médias mexicains l’appellent depuis «magistrade», évitant le masculin «magistrado» et le féminin «magistrada».

Jesús Ociel Baena Saucedo se présentait comme «une personne non-binaire et fière d’être homosexuelle, cite le journal espagnol El PaísPendant longtemps, je me percevais comme une femme, j’aimais les vêtements féminins, j’aimais ce qu’elles faisaient, ou les stéréotypes de jeune fille. Cela a créé un terrain propice aux discriminations tout au long de mon enfance, tant dans ma famille qu’à l’école.» Jusque dans ses fonctions judiciaires, Baena arborait régulièrement un éventail arc-en-ciel et des lèvres rouges, jupe et talons hauts sous un costume cintré. Fin juillet, iel avait révélé être l’objet de mesures de protection de la part des autorités. En cause, de «multiples attaques» et des «menaces de morts» reçues sur ses réseaux sociaux.

Avec 305 actes de violence de 2019 à 2022, le Mexique est le second pays dénombrant le plus de crimes de haine en Amérique latine, selon l’Observatoire national de crimes de haine contre les personnes LGBT+.